ais,
quand le hasard les mettait en presence.
Toujours est-il que la seduisante demoiselle, assuree du consentement de
sa mere qu'elle gouvernait en despote, dut faire le siege en regle du
coeur de M. Jonathan et le harceler dans les derniers retranchements de
sa modestie, pour qu'il se decidat a formuler la demande en mariage.
Distraction a part, il apprecia, toutefois, l'etendue de son bonheur en
apprenant qu'aussitot l'hymen conclu, Mme Sharp realiserait de grosses
rentes sur la cession du fonds de modes et que M. Jonathan coulerait
definitivement l'harmonieuse existence d'un poisson dans l'onde, entre
son attrayante epouse et sa providentielle belle-mere.
Miss Annah, fort eprise, mais passablement autoritaire, tint la main a
ce qu'un laps de temps convenable fut reserve aux fiancailles et
donna l'essor, pendant cette treve, a tout ce que l'amour comporte
d'epanchements poetiques.
Jonathan, de son cote, s'accoutumait graduellement a sa felicite
prochaine; un sentiment de profonde securite vis-a-vis de l'avenir
chantait dans son coeur; ses idees prenaient un libre vol sous le coup
d'aile de l'enthousiasme, et c'est d'alors que date dans sa vie la
conception de la seconde hypothese annoncee plus haut:
Il lui vint, en effet, cette inspiration que l'irresistible tendance
d'un groupe de molecules a se mouvoir, selon la precedente definition
electrique, dans une direction forcee, indiquait une marche analogue
imposee aux molecules ambiantes et, par suite, a toutes les molecules de
la matiere universelle. De ce principe il deduisit la consequence qu'en
raison de l'impossibilite du vide dans la nature, aucune agglomeration
partielle de molecules ne saurait se produire sans qu'une configuration
identique et simultanee d'une egale quantite de molecules s'effectue sur
un point quelconque de l'espace.
Ce raisonnement de Jonathan Bridge se justifie a peu pres par la maniere
evidente dont se comporteraient les elements constitutifs d'une certaine
somme d'air et d'eau renfermee dans une boule de cristal.
Il en conclut aussi qu'en subissant les lois illimitees de la
gravitation et de la pesanteur, les atomes actionnes d'une meme planete
ne pouvaient aboutir au susdit mouvement similaire que dans une planete
voisine et, par suite, dans toutes les planetes existantes.
Jonathan avait donc decrete que les etres et les choses a l'infini
s'agitent dans un inflexible parallelisme qu'il decora du nom de
"vibration universel
|