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ait Passajon... car c'etait Passajon qui, rencontrant le bonhomme et le voyant sans emploi, lui avait parle de venir chez Paganetti... Mais puisque je vous repete que c'est serieux. Nous avons beaucoup d'argent. On paye, on m'a paye, regardez comme je suis flambant." En effet, le vieux garcon de bureau avait une livree neuve, et, sous sa tunique a boutons argentes, sa bedaine s'avancait, majestueuse... N'importe, M. Joyeuse ne s'etait pas laisse tenter, meme apres que Passajon, arrondissant ses yeux bleus a fleur de tete, lui eut glisse emphatiquement dans l'oreille ces mots gros de promesse: "Le Nabab est dans l'affaire." Meme apres cela, M. Joyeuse avait eu le courage de dire non. Ne valait-il pas mieux mourir de faim que d'entrer dans une maison fallacieuse dont il serait peut-etre un jour appele a expertiser les livres devant les tribunaux? Il continua donc a courir; mais, decourage, il ne cherchait plus. Comme il lui fallait rester dehors, il s'attardait aux etalages sur les quais, s'accoudait des heures aux parapets, regardait l'eau couler et les bateaux qu'on dechargeait. Il devenait ce flaneur qu'on rencontre au premier rang des attroupements de la rue, s'abritant des averses sous les porches, s'approchant pour se chauffer des poeles en plein air ou fume le goudron des asphalteurs, s'affaissant sur un banc du boulevard lorsque ses pas ne pouvaient plus le porter. Ne rien faire, quel bon moyen de s'allonger la vie! A certains jours, cependant, quand M. Joyeuse etait trop las ou le ciel trop feroce, il attendait au bout de la rue que ces demoiselles eussent referme leur croisee, et, revenant a la maison le long des murailles, montait l'escalier bien vite, passait devant la porte en retenant son souffle, et se refugiait chez le photographe Andre Maranne qui, au courant de son infortune, lui faisait cet accueil apitoye que les pauvres diables ont entre eux. Les clients sont rares si pres des banlieues. Il restait de longues heures dans l'atelier a causer tout bas, a lire a cote de son ami, a ecouter la pluie sur les vitres ou le vent qui soufflait comme en pleine mer, heurtant les vieilles portes et les chassis, en bas, dans le chantier de demolitions. Au-dessous il entendait des bruits connus et pleins de charmes, des chansons envolees du contentement d'une tache, des rires assembles, la lecon de piano que donnait Bonne Maman, le tic-tac du metronome, tout un remue-menage delicieux qui lui chatouillait
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