moi pour ne pas
me rencontrer. C'est la faute de Duplomb, que j'avais charge de vous
demander pour moi cette entrevue, en le priant de me faire savoir si
l'heure et le jour vous convenaient. Ne recevant de lui aucun avis, j'ai
pense qu'il n'avait pas encore pu vous voir.
Ma soiree de demain n'est pas libre et je pense m'absenter apres-demain
pour quelques jours. Je viens donc, tout en vous remerciant d'avoir
repondu a mon appel, vous mettre, par ecrit, au courant de l'objet de
l'explication que je desirais avoir avec vous de vive voix.
J'ai appris qu'au moment de nos elections, une manifestation avait ete
faite a Nohant par les ouvriers de la Chatre. Cette manifestation fort
peu menacante, je le sais, etait pourtant hostile et les cris de _A bas
madame Dudevant! A bas Maurice Dudevant! A bas les communistes! A bas
les ennemis de M. Delaveau!_ ont salue avec assez d'acharnement une
maison qui a nourri et assiste plus de pauvres qu'aucune autre dans
l'arrondissement. Enfin cette demonstration etait faite en votre nom. Je
ne m'en suis point preoccupee; mais je me suis reserve le droit de vous
en demander l'explication, aussitot qu'il me serait possible de vous
voir.
Je provoquerai ces explications en vous en donnant sur mon compte, que
je defie personne de dementir, et je veux vous les donner, parce que
certainement vous avez cru, en dirigeant sur Nohant une demonstration
hostile, repondre a quelque hostilite de ma part. S'il en etait ainsi,
vous seriez peu excusable d'avoir voulu exercer des represailles avant
de vous etre assure de quelque provocation de ma part. Je vous dirai
donc tres franchement (en vous annoncant que je vais a Nohant attendre
vos bandes devouees) que je n'ai jamais, depuis assez longtemps, eu la
moindre confiance dans votre conduite politique.
Ce n'est pas d'hier que nous nous connaissons. Nous avons ete intimement
lies dans notre jeunesse, et, a cette epoque, vous alliez beaucoup plus
loin que moi dans vos idees revolutionnaires; j'avais alors tres peu
etudie la Revolution et je n'acceptais point la guillotine, que, du
reste, je n'ai jamais acceptee et n'accepterai jamais. A cette epoque
pourtant, vous admiriez sans reserve Robespierre, Couthon et Saint-Just,
que j'ai appris aussi a admirer depuis, sauf l'application excessive et
sanglante de leur theorie. Nous nous sommes chamailles assez souvent
sur ce point pour qu'il m'en souvienne, et, comme ces discussions
finissaient amicalement, mon
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