eau Sarah, mais cette fois avec une inconcevable souffrance
d'esprit et de coeur. La beaute de cette jeune fille lui fit amerement
sentir ce que la femme doit perdre de sa puissance et de son orgueil en
perdant sa jeunesse. Involontairement elle mit sa main aupres de celle
de Sarah: sa main etait toujours belle; mais elle pensa a son visage,
et, regardant celui de sa niece, "Quelle difference! pensa-t-elle;
comment Olivier fera-t-il pour ne pas s'en apercevoir? Olivier est aussi
beau qu'elle; ils vont s'admirer mutuellement; ils sont bons tous deux,
ils s'aimeront.... Et pourquoi ne s'aimeraient-ils pas? Ils seront frere
et soeur; moi, je serai leur mere.... La mere d'Olivier! Ne le faut-il
pas? n'ai-je pas pense cent fois qu'il en devait etre ainsi! Mais deja!
Je ne m'attendais pas a trouver une jeune fille, une femme presque dans
cette enfant! Je n'avais pas prevu que ce serait une rivale.... Une
rivale, ma niece! mon enfant! Quelle horreur! Oh! jamais!"
Lady Mowbray cessa de regarder Sarah; car, malgre elle, sa beaute,
qu'elle avait admiree tout a l'heure avec joie, lui causait maintenant
un effroi insurmontable; le coeur lui battait; elle fatiguait son
cerveau a trouver une pensee de force et de calme a opposer a ces
craintes qui s'elevaient de toutes parts, et que, dans sa premiere
consternation, elle exagerait sans doute. De temps en temps elle jetait
sur Sarah un regard effare, comme ferait un homme qui s'eveillerait avec
un serpent dans la main. Elle s'effrayait surtout de ce qui se passait
en elle; elle croyait sentir des mouvements de haine contre cette
orpheline qu'elle devait, qu'elle voulait aimer et proteger. "Mon Dieu,
mon Dieu! s'ecriait-elle, vais-je devenir jalouse! Est-ce qu'il va
falloir que je ressemble a ces femmes que la vieillesse rend cruelles,
et qui se font une joie infame de tourmenter leurs rivales? Est-ce une
horrible consequence de mes annees que de hair ce qui me porte ombrage?
Hair Sarah! la fille de mon frere! cette orpheline qui tout a l'heure
pleurait dans mon sein!... Oh! cela est affreux, et je suis un monstre!
"Mais non, ajoutait-elle, je ne suis pas ainsi; je ne peux pas hair
cette pauvre enfant; je ne peux pas lui faire un crime d'etre belle! Je
ne suis pas nee mechante; je sens que ma conscience est toujours
jeune, mon coeur toujours bon: je l'aimerai; je souffrirai quelquefois
peut-etre, mais je surmonterai cette folie...."
Mais l'idee d'Olivier amoureux de Sarah revenait t
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