se
l'imaginait; ensuite, Olivier pouvait, par sa froideur, l'en guerir
mieux que tous les raisonnements. Elle alla retrouver Sarah le
lendemain, lui dit qu'elle avait reflechi, et que le resultat de ses
reflexions etait celui-ci: il etait impossible d'interroger Olivier sur
ses intentions, et de lui demander l'explication de ses paroles de la
veille sans lui laisser deviner l'impression qu'elles avaient produite
sur miss Mowbray, et sans lui faire soupconner l'importance qu'elle y
attachait. "Dans la situation ou vous etes vis-a-vis de lui, dit-elle,
le premier point, le plus important de tous, c'est de ne pas avouer que
vous aimez sans savoir si l'on vous aime.
--Oh! certainement, ma tante, dit Sarah en rougissant.
--Il n'est pas besoin sans doute, mon enfant, que je fasse appel a votre
pudeur et a votre fierte; l'une et l'autre doivent vous suggerer une
grande prudence et beaucoup d'empire sur vous-meme....
--Oh! certes, ma tante, reprit la jeune Anglaise avec un melange
d'orgueil et de douleur qui lui donna l'expression d'une vierge martyre
de Titien.
--Si mon fils, poursuivit Metella, est reellement lie au celibat par
quelque engagement qu'il ne puisse pas confier, meme a moi, il faudra
bien, Sarah, que vous vous separiez l'un de l'autre....
--Oh! s'ecria Sarah effrayee, est-ce que vous me chasseriez de chez
vous? est-ce qu'il faudrait retourner au couvent ou en Angleterre? Loin
de lui, loin de vous, toute seule!... Oh! j'en mourrais! Apres avoir ete
tant aimee!
--Non, dit Metella d'une voix grave, je ne t'abandonnerai jamais; je te
suis necessaire: nous sommes liees l'une a l'autre pour la vie."
En parlant ainsi elle posa ses deux mains sur la tete blonde de Sarah,
et leva les yeux au ciel d'un air solennel et sombre. En se consacrant a
cette enfant de son adoption, elle sentait combien etaient terribles
les devoirs qu'elle s'etait imposes envers elle, puisqu'il faudrait
peut-etre lui sacrifier le bonheur de toute sa vie, la societe
d'Olivier.
"Me promettez-vous du moins, continua-t-elle, que si, apres avoir fait
tout ce qui dependra de moi pour votre bonheur, je ne reussis pas a
fermer cette plaie de votre ame, vous ferez tous vos efforts pour vous
guerir? Ai-je affaire a une enfant romanesque et entetee, ou bien a une
jeune fille forte et courageuse?
--Doutez-vous de moi? dit Sarah.
--Non, je ne doute pas de toi; tu es une Mowbray, tu dois savoir
souffrir en silence.... Allez vous coiffer,
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