age, a des travaux ardus. Mais ton esprit a voulu bientot prendre un
essor qui t'eloignait de mon but.
"L'etude des sciences exactes te conduisait, malgre moi, malgre toi-meme, a
la passion des sciences naturelles, et, prenant des chemins de rencontre,
tu ne songeais qu'a l'astronomie et aux reveries des mondes ou nous ne
pouvons penetrer. Apres une lutte ou je ne fus pas le plus fort, je te fis
abandonner ces sciences, faute de pouvoir te ramener a une saine et utile
application; et renoncant a faire de toi un mecanicien, je cherchai en quoi
tu pourrais m'etre utile. Quand je dis m'etre utile, j'imagine que tu ne te
meprends pas sur le sens des mots. Ma fortune etant la tienne, je devais te
former pour cette oeuvre qui bientot aura probablement use ma vie a ton
profit; c'est dans l'ordre. Je suis heureux de faire mon devoir, et j'y
persisterai malgre toi, s'il le faut. Mais la raison et l'amour paternel ne
devaient-ils pas me pousser a te rendre propre, sinon au developpement, du
moins a la conservation et a la defense de cette fortune? L'ignorance ou
j'etais de la legislation m'avait mis cent fois a la merci des conseils
ignares ou perfides; j'avais ete la proie de ces parasites de la chicane,
qui, n'ayant ni vrai savoir, ni saine intelligence des affaires, exigent
une soumission aveugle de leurs clients, et compromettent leurs plus graves
interets par sottise, entetement, presomption, fausse tactique, vaines
subtilites et le reste. Je me suis dit alors qu'avec une intelligence
claire et prompte comme la tienne, tu pouvais, en peu d'annees, apprendre
le droit, et te faire une assez juste idee des details de la procedure,
pour n'avoir jamais besoin d'autre guide, d'autre conseil, d'autre
confident, surtout, que toi-meme. Je n'ai jamais voulu faire de toi un
rheteur, un avocat, un comedien de cour d'assises; mais je t'ai demande de
prendre tes inscriptions et de passer tes examens ... Tu me l'avais promis!
--Eh bien, mon pere, me suis-je revolte, ai je manque a ma parole? dit
Emile, surpris d'entendre M. Cardonnet parler avec un mepris superbe et
quasi insolent de ces professions, dont il avait essaye de faire ressortir
l'honneur et l'eclat, lorsqu'il s'etait agi de decider son fils a les
etudier.
--Emile, reprit l'industriel, je ne veux pas te faire de reproches; mais tu
as une maniere passive et apathique de te resigner, cent fois pire que la
resistance. Si j'avais pu prevoir que tu perdrais ton temps, j'aurais vi
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