n parti pris de votre part?
--Cet homme n'a rien compris a mon action, reprit Emile; il a ete desarme
et renverse par surprise; je crois meme qu'il a ete un peu meurtri en
tombant.
--Et vous lui avez laisse croire que c'etait une distraction de votre part,
j'espere!
--Qu'importe ce que cet homme pense de mes intentions, et ce qui se passe
au fond de sa pensee! Votre magistrature s'arrete au seuil de la
conscience, mon pere, et vous ne pouvez juger que les faits.
--Est-ce mon fils qui me parle de la sorte?
--Non, mon pere, c'est votre administre, le delinquant que vous avez a
juger et a punir. Quand vous m'interrogerez sur mon propre compte, je vous
repondrai comme je le dois. Mais il s'agit ici du pauvre diable qui vit de
son modeste emploi. Il vous est soumis, il vous craint, et si vous lui
ordonnez de me conduire en prison, il est pret a le faire.
--Emile, vous me faites pitie. Laissons la ce garde champetre et ses
contusions. Je lui pardonne, et je vous autorise a lui faire un bon present
pour qu'il se taise, car je ne suis pas d'avis de vous faire debuter dans
ce pays-ci par un scandale ridicule. Mais voudrez-vous bien m'expliquer
pourquoi vous semblez provoquer un drame burlesque en police
correctionnelle? Quelle est cette aventure ou vous jouez le role de don
Quichotte, en prenant Caillaud pour votre Sancho-Panca? Ou alliez-vous si
vite, lorsque vous vous etes trouve present a l'arrestation du charpentier?
Quelle fantaisie vous a prise de soustraire cet homme a la main de la
justice et aux intentions bienveillantes que j'avais a son egard? Etes-vous
devenu fou depuis six mois que nous ne nous sommes vus? Avez-vous fait voeu
de chevalerie, ou avez-vous l'intention de contrarier mes desseins et de me
braver? Repondez serieusement si vous le pouvez, car c'est
tres-serieusement que votre pere vous interroge.
--Mon pere, j'aurais beaucoup de choses a vous repondre, si vous
m'interrogiez sur mes sentiments et mes idees. Mais il s'agit ici d'un
petit fait particulier, et je vous dirai en peu de mots comment les choses
se sont passees. Je courais apres le fugitif, afin de lui faire eviter la
honte et la douleur d'etre arrete; j'esperais devancer Caillaud, et
persuader a Jean de revenir de lui-meme ecouter vos offres et faire ses
soumissions a la loi. Arrive trop tard, et ne pouvant dissuader loyalement
le garde de faire son devoir, je l'en ai empeche en m'exposant seul a la
peine du delit. J'ai agi spontanem
|