us passames une partie de la nuit sur la rive
verdoyante du Delta, pres du village d'_Aschmoun_. Le 19 au matin, nous
vimes enfin les Pyramides, dont on pouvait deja apprecier les masses,
quoique nous fussions a huit lieues de distance. A une heure trois
quarts, nous arrivames au sommet du Delta (_Bathn-el-Bakarah_, le
Ventre-de-la-Vache), a l'endroit meme ou le fleuve se partage en deux
branches, celle de Rosette et celle de Damiette. La vue est magnifique,
et la largeur du Nil etonnante. A l'occident, les Pyramides s'elevent au
milieu des palmiers; une multitude de barques et de batiments se
croisent dans tous les sens; a l'orient, le village tres-pittoresque de
_Schorafeh_; dans la direction d'Heliopolis: le fond du tableau est
occupe par le mont _Mokattam_, que couronne la citadelle du Caire, et
dont la base est cachee par la foret de minarets de cette grande
capitale. A trois heures, nous vimes le Caire plus distinctement: c'est
la que les matelots vinrent nous demander le bakchichs de bonne arrivee.
L'orateur etait accompagne de deux camarades habilles d'une facon
tres-bizarre: des bonnets en pain de sucre, barioles de couleurs
tranchantes; des barbes et d'enormes moustaches d'etoupe blanche; des
langes etroits, serrant et dessinant toutes les parties de leur corps;
et chacun d'eux s'etait ajuste d'enormes accessoires en linge blanc
fortement tordu. Ce costume, ces insignes et leurs postures grotesques,
figuraient au mieux les vieux faunes peints sur les vases grecs d'ancien
style. Quelques minutes apres, notre _maasch_ donna sur un banc de
sable, et fut arrete tout court; nos matelots se jeterent au Nil pour le
degager, en se servant du nom d'_Allah_, et bien plus efficacement de
leurs larges et robustes epaules; la plupart de ces mariniers sont des
Hercules admirablement tailles, d'une force etonnante, et ressemblant,
quand ils sortent du fleuve, a des statues de bronze nouvellement
coulees. Ce travail d'une demi-heure suffit pour degager le batiment.
Nous passames devant _Embabeh_, et apres avoir salue le champ de
bataille des Pyramides, nous abordames au port de _Boulaq_, a cinq
heures precises. La journee du 20 se passa en preparatifs de depart pour
le Caire, et plusieurs convois d'anes et de chameaux transporterent en
ville nos lits, malles et effets, pour meubler la maison que j'avais
fait louer d'avance. A 5 heures du soir, suivi de ma caravane, et
enfourchant nos anes, bien plus beaux que ceux d'Alexandrie,
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