l a amene le numero Un!... Il ne mange plus, il ne fait que
pleurer... Ma parole, ca me fait de la peine.
ROBERT (riant).
Mais ou est-il donc? on ne l'a pas vu de toute la matinee... Ou peut-il
etre fourre?
MATHURIN.
Moi, j'l'ai apercu au coin d'la barriere du pere Lucas; y s'tenait les
deux poings sur les deux yeux et faisait des soupirs qui pouvaient
s'entendre d'un quart de lieue.
JULIEN
Ce matin, en venant ici, je l'ai aussi rencontre, comme dit Mathurin; je
lui ai parle, mais il n'y avait pas moyen de le comprendre, les sanglots
lui brisaient la respiration; ma foi, si ca continue, le pauvre Criquet
en mourra de douleur, je crois.
MATHURIN (regardant dans la coulisse).
Mais... mais... quel est ce bruit que j'entends la-bas?
ROBERT (allant au fond).
Eh! par ma foi, je ne me trompe pas... c'est lui... c'est Criquet... Ah!
quel drole de figure et comme il est affuble!... Venez donc, les amis...
venez donc!... (Riant aux eclats) Ah! ah! ah! ah!
(Tous sont au fond riant aux eclats).
SCENE 3e
LES PRECEDENTS, (Criquet, longue tuque blanche avec le N deg. 1, il est en
sabots, un sac sur le dos).
CRIQUET (dans la coulisse, le ton pleurard).
Adieu, les connaissances, j'vous r'verrons avant que d'partir.
(Il entre en scene).
ROBERT (toujours riant).
D'ou viens-tu, Criquet?... Voyons... parle... qu'as-tu donc?
CRIQUET.
Ah! bonjour, Robert, bonjour, Julien, bonjour, les amis... Hein! Robert,
ca fait mal, n'est-ce pas, de quitter comme ca les connaissances?
ROBERT.
Voyons, Criquet, mauvais conscrit!... On prend du courage, que
diable!... Est-ce qu'on se laisse abattre comme ca?
CRIQUET.
Du courage... du courage... c'est bon a dire, ca!... T'en as donc, toi,
Robert, du courage?
ROBERT.
Je m'en flatte!... Est-ce que ce n'est pas glorieux, d'abord quand nous
nous verrons un bel uniforme, et surtout de combattre pour la gloire de
notre belle patrie!
CRIQUET.
Ouiche!... tout ca c'est bel et bon, mais tiens, vois-tu, Robert, moi,
l'courage peut pas m'entrer dans la tete... j'ai la... tiens... sus
l'estomac, comme deux galettes chaudes de sarrasin!
JULIEN
Mon pauvre Criquet, il faut tacher de te remonter un peu le moral; c'est
vrai que ca fait de la peine et je crois bien que tu n'es guere fait
pour etre soldat, et, sur ma parole, je te plains.
CRIQUET
Ah! toi, Julien, t'es ben heureux... te v'la exempt de c'te diable
d'engeance militaire!... Diable de Carme
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