nneur. Tiens, je vais te lire la lettre qu'ils
m'ecrivent. (Il tire la lettre de sa poche et lit).
Cher M. Lefute, Nous avons quitte la Russie, nous sommes en ce moment a
Paris, mais, encore quelques semaines et nous allons prendre la route de
notre cher village de Blancourt; il nous tarde de revoir tous les amis
et Julien se fait une fete d'embrasser sa vieille mere. Nous sommes,
comme vous l'avez sans doute appris par les bulletins de l'armee,
sous-officiers et decores. Je sais que tous partagent notre bonheur
d'avoir fait notre devoir. Allons, allons, au revoir, nous serons
bientot pres de vous.
Vos bons amis,
ROBERT ET JULIEN.
Aussi, comme nous sommes aujourd'hui jeudi, je les attends de jour en
jour.
CRIQUET.
Ah bon, j'dis qu'ca va en faire une fete c'jour-la!... Dieu! On va-t'y
s'en donner, on va-t'y chanter... et dire, parrain, qu'si j'avais parti
j's'rais p't'etre ben comme eux a present.
LEFUTE.
Ah! oui, parlons-en un peu... un gaillard qui beuglait comme un veau.
CRIQUET
Dame, parrain, c'etait pas dans mon gout d'endosser l'habit d'soldat?
qu'voulez-vous, j'pouvais pas me r'changer, moi!
LEFUTE.
Allons, c'est bon, tais-toi... Je vais aller au village parler aux amis
afin de nous reunir tous ici au plus vite... je reviendrai dans une
heure ou deux... Travaille bien.
CRIQUET
Oh! oui, oui, mon p'tit parrain, pour l'arrivee d'nos deux braves,
j'puis m'casser bras et jambes!... Oh! daine, j'vous promets que
l'travail ne m'f'ra pas peur.
LEFUTE
Allons, nous verrons ca; bon courage. (Il sort.)
SCENE 3e
CRIQUET (seul).
Ah! quand j'y pense!... quelle fete! quelle bombance qu'on va faire!...
C'est pour le coup qu'parrain va sortir de sa cave ses vieilles
bouteilles de c'bon vin d'la comete de 1811. Ah!... (il s'assoit, le
balai droit entre ses jambes). Dire qu'y a deux ans qu'j'ai vu Robert!
J'parie qu'y doit etre grand... et pis y doit s'tenir droit comme un i.
Ca doit faire un beau... un beau... zou... zou... zouba... comment qui
dit ca, donc, parrain?... j'peux jamais m'mettre c'diable de nom-la dans
la tete... Et Julien, qu'avait l'air si doux, j'sis sur a present qu'il
a une grosse voix et pis... et pis... j'vas t'y les faire parler, j'vas
t'y leur en demander des affaires, des combats d'bataille!... Ah! et pis
y faudra. qu'y m'montrent pour manigance un fusil de soldat!... C'est
c'te pauvre vieille Marguerite, la mere de Julien, va-t-elle etre
contente de voir son
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