CRIQUET.
Apres une bonne affaire
On r'vient clopin-clopant.
ROBERT
Mais a la boutonniere
Peut briller un ruban.
CRIQUET. (Parle: Oui... mais)
On attrap' queuq' torgnole.
ROBERT
Et l'on devient sergent.
CRIQUET
L'canon vous carambole
Et l'on meurt....
ROBERT (Lentement et a voix basse).
En chantant:
Rantanplan, rantanplan
On voit l'ennemi fuyant
Et l'on s'dit en mourant:
Ran ran tan plan plan!
CRIQUET
Ran tan plan, ran tan plan!
Tout ca n'est pas amusant;
J'aime mieux dire bien portant:
Ran ran tan plan plan!
ROBERT (a Lefute).
Tenez, franchement, M. Lefute, je crois que votre filleul Criquet ne
fera jamais qu'un mauvais soldat.
LEFUTE.
Oui, oui, c'est vrai, et plus j'y pense, plus j'ai peine de le voir
partir. Je voudrais bien trouver un moyen pour l'en exempter.
ROBERT
Parbleu! pour l'en exempter, le moyen est tout facile a trouver, pere
Lefute, achetez-lui un remplacant... C'est facile ca!
LEFUTE.
Heu! heu! facile... facile... pas tant facile que tu le crois, Robert;
pour trouver un remplacant, il faut beaucoup d'ecus... et...
JULIEN
Allons donc, M. Lefute, ce n'est pas la mer a boire un mille a douze
cents francs... Voyez donc ce pauvre Criquet, il ne tient plus sur les
jambes.
LEFUTE
Ah! tu crois ca, toi, Julien, tu crois qu'on trouve des mille francs du
premier coup.
ROBERT (riant)
Eh! mais, M. Lefute, cherchez donc bien dans vos vieux coffres, il y a
bien encore quelque magot en reserve.
LEFUTE.
Ta, ta, la, ta, tout ca c'est bon a dire. (a dater de cette scene,
Lefute a le ton flatteur, insinuant, pese ses mots). A propos, dis donc,
mon p'tit Julien... tu sais... hein?... que sur le morceau de terre que
je t'ai vendu et la petite maison que j'ai fait batir pour ta vieille
mere... tu sais... hein?... que tu me dois une petite somme... comme...
heu... heu... huit cents francs.
JULIEN (surpris et attriste).
C'est vrai, M. Lefute... mais vous savez aussi que la recolte de l'annee
derniere n'a pas ete tres-bonne, que ma pauvre bonne mere a ete malade
une partie de l'hiver... Mais cette annee le travail va bien, je gagne
de bons gages et je pourrai avant peu vous donner un bon a-compte.
LEFUTE (toujours flattant).
Ah! mon garcon, je ne suis pas inquiet de toi... je te connais et tu es
aussi connu de tous, pour ton travail, ta bonne conduite et surtout pour
le filial devouement que
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