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cote qu'elle se retournat. Oui, oui, c'etait a cause d'elle qu'il
n'avait pas voulu parler. Mais elle n'accepterait pas un sacrifice
pareil. Il fallait qu'il revint tout de suite s'expliquer devant les
deputes.
"Mon fils? ou est mon fils?
--En bas, madame, dans sa voiture. C'est lui qui m'a envoye vous
chercher."
Elle s'elanca devant l'huissier, marchant vite, parlant tout haut,
bousculant sur son passage des petits hommes noirs et barbus qui
gesticulaient dans les couloirs. Apres la salle des Pas-Perdus,
elle traversa une grande antichambre en rotonde ou des laquais
respectueusement ranges faisaient un soubassement vivant et chamarre a
la haute muraille nue. De la on voyait, a travers les portes vitrees,
la grille du dehors, la foule attroupee et parmi d'autres voitures le
carrosse du Nabab qui attendait. La paysanne en passant reconnut dans un
groupe son enorme voisin de tribune avec l'homme bleme a lunettes qui
avait tonne contre son fils et recevait pour son discours toutes sortes
de felicitations et de poignees de mains. Au nom de Jansoulet, prononce
au milieu de ricanements moqueurs et satisfaits, elle ralentit ses
grandes enjambees.
"Enfin, disait un joli garcon a la figure de mauvaise femme, il n'a
toujours pas prouve en quoi nos accusations etaient fausses."
La vieille en entendant cela fit une trouee terrible dans le tas et, se
posant en face de Moessard:
"Ce qu'il n'a pas dit, moi je vais vous le dire. Je suis sa mere et
c'est mon devoir de parler."
Elle s'interrompit pour saisir a la manche Le Merquier qui s'esquivait:
"Vous d'abord, mechant homme, vous allez m'ecouter... Qu'est-ce que vous
avez contre mon enfant! Vous ne savez donc pas qui il est? Attendez un
peu, que je vous l'apprenne."
Et, se retournant vers le journaliste:
"J'avais deux fils, monsieur..."
Moessard n'etait plus la. Elle revint a Le Merquier:
"Deux fils, monsieur..."
Le Merquier avait disparu.
"Oh! ecoutez-moi, quelqu'un, je vous en prie, disait la pauvre mere,
jetant autour d'elle ses mains et ses paroles pour rassembler, retenir
ses auditeurs; mais tous fuyaient, fondaient, se dispersaient, deputes,
reporters, visages inconnus et railleurs auxquels elle voulait raconter
son histoire a toute force, sans souci de l'indifference ou tombaient
ses douleurs et ses joies, ses fiertes et ses tendresses maternelles
exprimees dans un charabias de genie. Et tandis qu'elle s'agitait, se
debattait ainsi, eperdu
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