dont la pierre blanche coupait les verdures exuberantes.
Une odeur exquise montait, de violettes petries dans du soleil, chaude
essence de boudoir, enervante, affaiblissante, qui evoquait pour de Gery
des visions feminines, Aline, Felicia, glissant a travers la feerie du
paysage, dans cette atmosphere bleutee, ce jour elyseen qu'on eut dit le
parfum devenu visible de tant de fleurs epanouies... Un bruit de portes
lui fit rouvrir les yeux... Quelqu'un venait d'entrer dans la piece
a cote. Il entendit le frolement d'une robe sur la mince cloison, un
feuillet retourne dans un livre qu'on devait lire sans grand interet;
car un long soupir module en baillement le fit tressaillir. Dormait-il,
revait-il encore? Ne venait-il pas d'entendre le cri du "chacal dans le
desert," si bien en harmonie avec la temperature brulante et lourde du
dehors... Non. Plus rien... Il s'endormit de nouveau; et cette fois,
toutes les images confuses qui le poursuivaient se fixerent en un reve,
un bien beau reve...
Il faisait avec Aline son voyage de noces. Une mariee delicieuse.
Prunelles claires, pleines d'amour et de foi, qui ne connaissaient que
lui, ne regardaient que lui. Dans ce meme salon d'hotel, de l'autre cote
du gueridon, la jolie fille etait assise en blanc deshabille du matin
qui sentait bon la violette et les dentelles fines de la corbeille. Ils
dejeunaient. Un de ces dejeuners de voyage de noces, servis au saut du
lit en face de la mer bleue, du ciel limpide qui azurent le verre ou
l'on boit, les yeux que l'on regarde, l'avenir, la vie, l'espace clair.
Oh! qu'il faisait beau, quelle lumiere divine, rajeunissante, comme ils
etaient bien!
Et tout a coup, en pleins baisers, en pleine ivresse, Aline devenait
triste. Ses beaux yeux se voilaient de larmes. Elle lui disait: "Felicia
est la... vous n'allez plus m'aimer..." Et lui riait: "Felicia, ici?...
Quelle idee.--Si, si... Elle est la..." Tremblante, elle montrait la
chambre voisine, d'ou partaient pele-mele des aboiements enrages et
la voix de Felicia: "Ici, Kadour... Ici, Kadour..." la voix basse,
concentree, furieuse de quelqu'un qui se cachait et se voit brusquement
decouvert.
Reveille en sursaut, l'amoureux, desenchante, se retrouva dans sa
chambre deserte, devant un gueridon vide, son beau reve envole par la
fenetre sur le grand coteau qui la remplissait toute, et semblait se
pencher vers elle. Mais on entendait bien reellement dans la piece
contigue les aboiements d'un
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