aleur inestimable. Henri accueillit bien les envoyes de Charles, mais
ne promit nullement d'intervenir en sa faveur: il se borna a ne pas
nouer de relations avec Raoul[87].
La-dessus Charles recut inopinement une deputation d'Herbert de
Vermandois, conduite par le propre cousin de celui-ci, le comte
Bernard[88]. D'apres Richer,[89] qui donne evidemment l'esprit du
discours des envoyes, Herbert faisait declarer a Charles qu'il ne
s'etait uni a ses ennemis que bien malgre lui, et que voyant a present
une occasion favorable pour tout reparer, il lui demandait de venir le
joindre sans grande escorte, afin de n'eveiller aucun soupcon.
Charles, a bout de ressources, fut enchante de ce revirement soudain
d'un vassal puissant, qui l'avait aide jadis. Il accueillit avec
empressement la proposition inesperee des deputes. Qu'on ne l'accuse
point a la legere de faiblesse ou de simplicite. Il etait tres
possible qu'Herbert, d'origine carolingienne et par la d'autant plus
sujet a un retour de loyalisme, devenu mecontent ou jaloux de Raoul,
voulut profiter du sejour de celui-ci en Bourgogne pour faire echec a
un rival bien autrement dangereux qu'un suzerain affaibli. Au surplus,
Bernard et ses acolytes etaient, dit-on, de bonne foi. S'ils
tromperent Charles c'est qu'ils avaient ete trompes eux-memes par
Herbert. Celui-ci aurait, dit-on, juge preferable de laisser ignorer
ses vrais desseins a ses propres creatures.
Charles prit donc le chemin de Saint-Quentin avec les deputes du comte
de Vermandois. A peine mis en presence d'Herbert, il fut apprehende et
conduit sous bonne garde au donjon de Chateau-Thierry. Quant aux gens
de sa suite, trop peu nombreux pour resister, ils furent renvoyes sans
etre inquietes[90].
Ce lache guet-apens prepare par Herbert a son suzerain legitime, le
descendant de Charlemagne, produisit une penible impression sur les
contemporains. L'echo s'en retrouve dans les textes relativement
nombreux qui y font allusion. Les versions different sur la date de la
capture (placee parfois avant l'election de Raoul), sur l'ordre des
sejours du roi dans ses prisons de Saint-Quentin, Chateau-Thierry et
Peronne, mais elles sont toutes unanimes, meme les plus breves, pour
fletrir en termes energiques l'acte d'Herbert[91]. Il y avait la un
abus trop injustifie de ruse perfide et de force brutale pour que,
meme en ce siecle de fer, l'opinion generale n'en fut point emue. On
voyait recommencer pour Charles les humiliation
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