eur fait
passer successivement sous les yeux, les divertit et les amuse sans
les fatiguer. Voila ce qui fait le grand debit de cette marchandise;
a peine les ouvriers peuvent-ils en fournir assez; et des qu'il
paroit quelque nouvelle lanterne magique, ou colifichet nouveau, on
se l'arrache des mains. Il faut pourtant avoueer une chose; c'est que
du moment que la premiere curiosite est satisfaite, il arrive de ces
ouvrages comme des colifichets d'enfans qui sont defaits, ou
demontes; on les laisse trainer dans un appartement, sans que
personne songe a les conserver, et leur sort ordinaire est d'etre
enfin jettes dehors pele mele avec les ordures.
Nous voici, ajouta le Prince Zazaraph, arrives au quartier des
montreurs de curiosite. Leurs boutiques sont assez belles, comme
vous voyez, et meme fort riches. Il est vrai aussi qu'ils ne
manquent pas de pratique, mais avec tout cela, ils sont peu
consideres, parce qu'ils ne travaillent qu'en subalternes selon que
d'autres ouvriers leur commandent, tantot un plan de ville, tantot
un portrait, une description, une bataille, un tournois, ou quelque
evenement singulier pour remplir les vuides de leurs ouvrages ou
pour les grossir.
Mais tandis que nous considerions les diverses curiosites dont les
boutiques de ce quartier sont garnies, nous fumes detournes par une
troupe comique de bouffons et de baladins de toute espece, qui
vinrent dans la grande place joueer une espece de comedie. Ce
spectacle me divertit, et je trouvai de l'esprit dans l'invention,
dans la conduite et l'execution de la piece. Un certain ragotin y
faisoit un des principaux roles avec un nomme la rancune, et il ne
parut jamais sur le theatre sans faire beaucoup rire les
spectateurs, autant par son air ridicule et comique, que par les
traits de plaisanterie qui lui echappoient. Toute la piece en
general me parut l'ouvrage d'un homme d'esprit, et on me dit que
c'etoit aussi ce que cet auteur avoit fait de meilleur. Ce spectacle
fut suivi d'une petite piece intitulee le diable boiteux, qui eut
aussi beaucoup d'applaudissement. Elle etoit en un acte, apparemment
qu'elle n'en demandoit pas davantage; car j'ai ouei dire que l'auteur
ne l'avoit pas embellie en voulant l'allonger. On promit pour le
lendemain une autre piece du meme auteur, qui a pour titre, Gilblas
De Santillane, mais j'entendis dire a ceux qui etoient aupres de
moi, que quoiqu'il y eut de l'esprit et d'assez bonnes choses dans
cette piece, elle ne
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