recieux, je repris bientot mes sens: j'ouvris les yeux,
et que vis-je? La Princesse Rigriche qui me tenoit entre ses bras,
m'appellant, mon cher prince, avec l'action d'une personne qui
s'interessoit vivement a ma conservation, et qui me regardoit sans
doute comme son amant. J'avouee que j'en fremis; et dans toutes mes
epreuves, je crois que c'est le moment ou j'ai le plus souffert. Je
la quittai brusquement pour courir chez la Princesse Rosebelle.
Nouvelle avanture. Le grand paladin Zazaraph vient au-devant de moi,
et pretend que je dois lui faire raison du mepris que j'ai marque
pour sa soeur. Moi du mepris pour la Princesse Rosebelle! Lui dis-
je, tout transporte. Ah! Je l'adore. Les dieux sont temoins... mais
j'eus beau dire; l'affaire, disoit-il, avoit eclate, l'affront etoit
trop sensible. En un mot, il avoit deja tire l'epee, et il menacoit
de me deshonorer si je ne me mettois en defense. Que faire?
Une de ces ressources singulieres qui ne se trouvent que dans la
Romancie, me tira d'embarras. Il etoit defendu par les loix aux
princes de vuider leurs querelles un jour solemnel de tournois. Les
magistrats nous envoyerent ordonner, sous peine de degradation, de
remettre notre combat a un autre jour. C'etoit tout ce que je
souhaitois, dans l'esperance que j'avois de desabuser Rosebelle, et
d'en obtenir le pardon de ma meprise. En effet, l'etant alle
trouver, je me justifiai si-bien, et je le fis avec toutes les
marques d'une passion si tendre et si veritable, que je m'appercus
qu'elle etoit bien aise de me trouver innocent. La reconciliation
fut bien-tot faite. Le grand paladin y entra pour sa part, et je
croyois toutes mes epreuves achevees, lorsque la Princesse Rigriche
vint y ajouter une scene fort embarrassante.
C'etoit une grosse petite personne aussi vive qu'on en ait jamais
vu. J'etois sans doute le premier amant qui eut rendu hommage a ses
attraits, et peut-etre n'esperoit-elle pas en trouver un second.
Elle saisissoit, comme on dit, l'occasion aux cheveux. Quoiqu'il en
soit, la colere et la jalousie peintes dans les yeux, et outree de
la facon dont je l'avois quittee pour courir chez la Princesse
Rosebelle, elle vint elle-meme m'y chercher, comme une conquete qui
lui appartenoit, ou comme un esclave echappe de sa chaine. Elle
debuta par des reproches fort vifs, auxquels je ne scus que
repondre. Ses reproches s'attendrirent insensiblement, jusqu'a
m'appeller petit volage, et a me faire esperer un pardon f
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