oureux Paris, fut plus belle. Mais je ne scais que penser d'un
autre spectacle que je vois qui se prepare a l'entree du port. Que
pretend faire cette grave matrone que je vois affecter un air de
magistrat et s'asseoir dans une espece de tribunal, accompagnee
d'hommes et de femmes qui semblent lui tenir lieu d'assesseurs ou de
conseillers?
C'est en effet, me repondit-il, un vrai tribunal, et peut-etre le
plus eclaire et le plus equitable de tous les tribunaux. Voici
quelle est sa fonction. Nous avons ici des armateurs qui
entreprennent des voyages de long cours pour faire courir le monde a
nos heros et a nos heroines. Ils choisissent ceux qui leur
conviennent, et on les laisse diriger leur course comme il leur
plait. Les uns la font longue, les autres la font plus courte: l'un
va a l'orient et l'autre a l'occident. Mais il faut revenir enfin,
et rendre compte du voyage: or ce compte est toujours tres-
rigoureux. Le juge que vous voyez est incorruptible, et son conseil
compose d'hommes et de femmes est tres-eclaire. Il n'est cependant
pas impossible de lui en imposer pour un tems, mais il revient bien-
tot de son erreur, et il reforme lui-meme son jugement. Je suis
charme, repris-je, que du moins dans la Romancie on rende justice
aux femmes en les admettant au conseil public; car c'est une honte
qu'elles en soient exclues dans tous les autres pays du monde. Mais
expliquez-moi de grace en quoi consistent les jugemens de ce
tribunal. Ils consistent, me repondit-il, en ce que tous les
armateurs sont obliges a leur retour de se presenter a la presidente
du conseil pour lui rendre compte de tout ce qui leur est arrive.
Elle les ecoute, et apres leur rapport, elle les punit ou les
recompense selon la bonne ou la mauvaise conduite qu'ils ont tenue
dans le cours du voyage. S'ils ont conduit et gouverne leur monde
avec art et avec sagesse, on leur donne dans la Romancie un des
premiers rangs; si au contraire ils ont fait faire a leurs passagers
un voyage desagreable, ennuyeux, trop dangereux; s'ils les ont fait
echoueer, s'ils les ont traites avec trop de rigueur, en un mot s'ils
leur ont donne de justes sujets de plainte, le juge les punit en les
condamnant les uns a la prison, les autres au bannissement, ou a
quelque peine plus rigoureuse.
Cette procedure me parut assez curieuse pour meriter que je la visse
par moi-meme, et je priai le Prince Zazaraph de s'approcher avec moi
du tribunal, pour etre temoin de tout ce qui se p
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