accourut pour la voir et l'embrasser. C'etoit-la le moment fatal que
l'amour avoit destine pour me ranger sous ses loix. Voir la
Princesse Rosebelle, l'admirer, l'aimer, l'adorer, ce fut pour moi
une meme chose, et tout cela fut fait en un moment. Aussi me
persuadai-je qu'il n'avoit jamais rien paru de si aimable sur la
terre. C'etoit un petit compose de perfections le plus complet qu'on
puisse imaginer, et ou l'on voyoit la jeunesse, la beaute, les
graces, l'esprit, l'enjoueement, la vivacite se disputer l'avantage.
Pendant tout le recit de la Princesse Anemone, je ne pus faire autre
chose que de faire parler mes yeux, et ils furent entendus. Je crus
meme appercevoir aussi dans ceux de Rosebelle quelque disposition
favorable; mais des que la belle Anemone et le Prince Zazaraph
eurent acheve leur eclaircissement, et que j'eus la liberte de
parler, je ne fus plus maitre de mes transports; et oubliant toutes
les loix de la Romancie, dont le prince m'avoit entretenu, je me
jettai tout eperdu aux pieds de la charmante Rosebelle, pour lui
declarer la passion dont je brulois pour elle. J'ai scu depuis que
Rosebelle ne fut pas fachee dans le fond de l'ame d'une si brusque
declaration; mais elle ne laissa pas de faire toutes les petites
ceremonies accoutumees. Pour ce qui est des spectateurs, apres un
moment de surprise que mon action leur causa, ils se mirent tous a
sourire en se regardant les uns les autres, et comme la Princesse
Rosebelle ne me repondoit rien, son frere prit la parole.
Ah! Prince, me dit-il, en m'obligeant a me relever, que vous etes
vif! Eh! Que deviendra la Romancie, si l'on y souffre de pareilles
vivacites?
Eh! Que deviendrai-je moi-meme, repartis-je avec transport, si
l'adorable Rosebelle n'est pas favorable a mes voeux; et si vous,
prince, qui pouvez disposer d'elle, vous refusez de me rendre
heureux! Je scais tous les egards que meritent les loix de la
Romancie et ces formalites preliminaires dont vous m'avez instruit;
mais enfin, ne puis-je pas en obtenir la dispense, ou du moins les
abreger? Car je sens bien que la violence de mon amour ne me
permettra pas d'en soutenir la longueur sans mourir.
Je vous ai deja dit, prince, me repondit le grand paladin, que c'est
une chose inoueie que depuis la fondation de la nation romancienne
aucun heros ait ete dispense des formalites, et des epreuves
ordonnees par les loix; mais il est vrai qu'il n'est pas impossible
d'obtenir du conseil public que le te
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