lontes des autres.
--C'est donc une personne parfaitement heureuse?
--Et une excellente domestique.
--Elle m'a confie que vous etes d'une franc-maconnerie de dames; c'est,
je suppose, un milieu favorable a vos idees.
--Plus ou moins: peu m'importe. Les loges et clubs sont le rendez-vous
des bavards a propagande, plus soucieux de reformer l'univers que de
precher d'exemple, et le contraire est ma ligne de conduite. Quant aux
reunions feminines, on s'y preoccupe par trop de depasser en stoicisme
et en pedanterie les hommes qu'on pretend egaler. Non contentes de
revendiquer le mandat politique, judiciaire, administratif, municipal,
que sais-je encore, ces dames traitent de haut tout ce qui est du
domaine des graces; elles ont en froid mepris l'art de plaire et les
divers talents qu'on ne peut exercer sans etre belle. Oui, Dieu me
pardonne! elles accablent de dedain et de commiseration les actrices
incarnant les conceptions ideales des poetes, les chanteuses, les
ballerines et les autres declassees de ce genre...
Nous jugeons inutile de relater qu'a ce moment l'influence extatique du
gin recommencait a se faire sentir.
La doctoresse s'etait assise, comme la veille, de l'autre cote de la
table, pres de miss Ellen, souriante, reposee, jolie et printaniere
jusqu'a l'exuberance.
--Je ne tombe pas, moi, dans de telles exagerations, continua Josuah.
Que les hommes accaparent les fonctions serieuses ou penibles, rien de
plus juste. Mais reservons aux femmes, et a elles seules, les metiers de
pur agrement tels que la peinture, la sculpture, la musique, la poesie,
le sacerdoce, la predication, dont ces messieurs, tout justement,
affectent de detenir le monopole exclusif. Cette concession, quelque
sage, quelque legitime qu'elle semble, nous est aussi refusee. Eh bien,
qu'on nous permette du moins, d'etre belles autant que possible et
d'enchainer par la les amities et les sympathies.
--M'aimeriez-vous donc moins si j'etais laide?
--Ce ne serait plus une amitie spontanee, mais un attachement reflechi
que l'habitude et la conformite d'opinions auraient a developper.
--Mais, j'y songe: que deviennent les hommes dans notre aimable
republique?
--Soyez sans inquietude a cet egard. La condition humaine ne permet
qu'un nombre restreint de combinaisons, et je ne connais pas de plus
pauvre argument contre les projets de reforme que la crainte de grands
changements sociaux. Dans le cas dont nous parlions, les hommes
cont
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