it, hesite et... elle le deplie C'en est fait d'un trait elle l'a
parcouru! Alors elle palit.
Son coeur se serre, une plainte d'infinie detresse expire sur ses
levres. Qu'a-t-elle lu?... Voici:
_Monseigneur l'eveque prince Farnese, qui demain celebrera la Paque
dans Notre-Dame, est le seul qui puisse vous dire pourquoi Jean, duc de
Kervilliers, ne vous epousera jamais... jamais!_
Qui a jete la pierre? Un jaloux d'amour? Un ennemi de race? Qu'importe!
Et pendant que cet etre, quel qu'il soit, ecoute et regarde, pendant que
la fille de Montaigues se debat, aux prises avec le desespoir le duc
de Kervilliers rentre chez lui, tombe a genoux devant un portrait de
Leonore et sanglote:
"Qu'a-t-elle dit? qu'elle va etre mere? J'ai bien entendu?... Perdue!
oh! perdue!... Et moi! Ah! miserable! pourquoi n'ai-je pas fui
quand cette passion m'a mordu au coeur? Que faire?... Fuir! Fuir
honteusement..."
Au coup de la grand-messe de ce dimanche de Paques 1573, Leonore entre
dans cette cathedrale dont, fille de huguenots, elle n'a jamais franchi
le seuil.
Ce sont des heures d'inoubliables tortures qu'elle vient de vivre. Mille
suppositions affolantes ont traverse son esprit. Jean est-il marie a une
autre? L'eveque va lui repondre!
Dans l'eglise, elle s'arrete, defaillante, consciente a peine de ce
qu'elle fait. La-bas, tout au fond, dans la splendeur des cierges,
couvert d'or, le prince Farnese, legat du pape, entonne le _Kyrie_.
Leonore se met en marche. Par de lents efforts, elle se fraie un
passage. Mais, quand enfin elle atteint le choeur, elle est sans
forces. Dix pas, au plus, la separent du prince-eveque. Tourne vers
le tabernacle, il officie, en des poses empreintes d'une solennelle
dignite.
Et, maintenant, Leonore a peur. L'approche de l'horrible realite
l'epouvante. Elle se raccroche a son reve d'amour, elle veut garder une
illusion quelques minutes encore... Soudain la sonnette resonne pour
l'elevation!
Mgr Farnese a saisi l'ostensoir, et, flamboyant de sa majeste, il se
retourne... Une terrible secousse ebranle Leonore des pieds a la tete.
Cet eveque!... Cette flamme des yeux!... Cette eclatante beaute!... Elle
les connait!...
Cet eveque!... Non! l'hallucination est par trop insensee! Il faut
qu'elle s'assure, qu'elle voie de pres! Hagarde, rapide, elle franchit
la grille, s'elance... et alors!... Pantelante, elle monte les degres
de l'autel! Ses deux mains convulsives s'abattent sur les epaules d
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