M. Bourguet ayant fait cette remarque, et
considerant que les bords opposes d'une riviere qui serpente, offrent la
meme opposition des angles saillans et rentrans, en conclut en general,
que les montagnes avoient ete formees par les courans de la mer.
"Si toutes les montagnes, et les _Alpes_ par exemple, avoient tous les
autres caracteres qu'exige une telle formation celui-la sans doute ne
paroitroit pas les contredire; et l'on ne peut meme disconvenir, qu'au
premier coup d'oeil, ces zig-zags ne ressemblent beaucoup aux effets des
eaux courantes. Cependant ce caractere appartient bien plus aux eaux qui
se frayent une route, qu'a celles qui font des depots. Un riviere qui
creuse son lit, se detourne a la rencontre d'un obstacle, et ronge le
cote oppose; c'est ce qui produit ses meandres. Mais on ne voit point
les memes causes de zig-zags dans les courans au sein de la mer; a moins
qu'il n'y ait deja des montagnes.
"En effet si l'on considere les montagnes et les collines qui par leurs
couches et les corps etrangers qu'elles renferment, montrent sans
equivoque qu'elles sont l'ouvrage des eaux, on les trouvera le plus
souvent rangees sans ordre. Quelquefois elles ne paroissent que des
monceaux poses ca et la; comme dans une grand partie du _Piemont_. Ou
si elles sont sous la forme de chaines continues, on y trouve peu de
parallelisme, c'est-a-dire de ces angles rentrans opposes aux angles
saillans: tel est le Jura.
"Mais si les courans de la mer ont trouve des montagnes toutes faites,
et qu'ils les ayent traversees, dans quelque sens que ce soit; ils se
sont fraye des routes dans les endroits ou la resistance etoit moindre,
et ont ronge les bords de leurs canaux a la maniere des rivieres. On
doit donc y trouver du parallelisme.
"Si maintenant on considere la chaine des _Alpes_, on verra qu'elle
repond fort bien a cet effet naturel. Quoique ces montagnes forment une
chaine dans leur ensemble, leurs parties superieures ne montrent aucune
sorte d'arrangement particulier, aucune trace de zig-zags: c'est dans
le fond des grandes vallees, ou dans les coupures qui servent a
l'ecoulement des eaux, que ce parallelisme des cotes opposes se
remarque; quoiqu'avec bien des exceptions. Et ce qu'il y a de plus
important a considerer, c'est que ces grandes vallees ou les angles
saillans et rentrans forment l'engrenement le plus sensible, coupent
ordinairement la chaine en travers, au lieu de la suivre; ce qui annonce
plutot destru
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