vait repondu a sa generosite;
et d'ailleurs, quoiqu'il fut a cette epoque (a Venise aussi bien qu'a
Paris) de la derniere inconvenance de montrer de la jalousie, l'orgueil
italien se revoltait contre le role ridicule et miserable que la Corilla
lui faisait jouer.
Donc, ce meme soir ou Anzoleto avait brille au palais Zustiniani, le
comte, apres avoir agreablement plaisante avec son ami Barberigo sur les
espiegleries de sa maitresse, des qu'il vit ses salons deserts et les
flambeaux eteints, prit son manteau et son epee, et, pour en avoir _le
coeur net_, courut au palais qu'habitait la Corilla.
Quand il se fut assure qu'elle etait bien seule, ne se trouvant pas
encore tranquille, il entama la conversation a voix basse avec le
barcarolle qui etait en train de remiser la gondole de la prima-donna
sous la voute destinee a cet usage. Moyennant quelques sequins, il le
fit parler, et se convainquit bientot qu'il ne s'etait pas trompe en
supposant que la Corilla avait pris un compagnon de route dans sa
gondole. Mais il lui fut impossible de savoir qui etait ce compagnon; le
gondolier ne le savait pas. Bien qu'il eut vu cent fois Anzoleto aux
alentours du theatre et du palais Zustiniani, il ne l'avait pas reconnu
dans l'ombre, sous l'habit noir et avec de la poudre.
Ce mystere impenetrable acheva de donner de l'humeur au comte. Il se fut
console en persiflant son rival, seule vengeance de bon gout, mais aussi
cruelle dans les temps de parade que le meurtre l'est aux epoques de
passions serieuses. Il ne dormit pas; et avant l'heure ou Porpora
commencait son cours de musique au conservatoire des filles pauvres, il
s'achemina vers la _scuola di Mendicanti_, dans la salle ou devaient se
rassembler les jeunes eleves.
La position du comte a l'egard du docte professeur avait beaucoup change
depuis quelques annees. Zustiniani n'etait plus l'antagoniste musical de
Porpora, mais son associe, et son chef en quelque sorte; il avait fait
des dons considerables a l'etablissement que dirigeait ce savant maitre,
et par reconnaissance on lui en avait donne la direction supreme. Ces
deux amis vivaient donc desormais en aussi bonne intelligence que
pouvait le permettre l'intolerance du professeur a l'egard de la musique
a la mode; intolerance qui cependant etait forcee de s'adoucir a la vue
des encouragements que le comte donnait de ses soins et de sa bourse a
l'enseignement et a la propagation de la musique serieuse. En outre, il
avait fai
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