nditions qu'il
plaira a monsieur le comte Zustiniani de leur imposer apres leurs
debuts, qui auront lieu le mois prochain au theatre de San-Samuel." Elle
signa rapidement et passa ensuite la plume a son amant.
"Signe sans regarder, lui dit-elle; tu ne peux faire moins pour prouver
ta gratitude et ta confiance a ton bienfaiteur."
Anzoleto avait lu d'un clin d'oeil avant de signer; lecture et signature
furent l'affaire d'une demi-minute. Le comte lut par-dessus son epaule.
"Consuelo, dit-il, vous etes une etrange fille, une admirable creature,
en verite! Venez diner tous les deux avec moi," dit-il en dechirant le
contrat et en offrant sa main a Consuelo, qui accepta, mais en le priant
d'aller l'attendre avec Anzoleto dans sa gondole, tandis qu'elle ferait
un peu de toilette.
Decidement, se dit-elle des qu'elle fut seule, j'aurai le moyen
d'acheter une robe de noces. Elle mit sa robe d'indienne, rajusta ses
cheveux, et bondit dans l'escalier en chantant a pleine voix une phrase
eclatante de force et de fraicheur. Le comte, par exces de courtoisie,
avait voulu l'attendre avec Anzoleto sur l'escalier. Elle le croyait
plus loin, et tomba presque dans ses bras. Mais, s'en degageant avec
prestesse, elle prit sa main et la porta a ses levres, a la maniere du
pays, avec le respect d'une inferieure qui ne veut point escalader les
distances: puis, se retournant, elle se jeta au cou de son fiance, et
alla, toute joyeuse et toute folatre, sauter dans la gondole, sans
attendre l'escorte ceremonieuse du protecteur un peu mortifie.
XV.
Le comte, voyant que Consuelo etait insensible a l'appat du gain, essaya
de faire jouer les ressorts de la vanite, et lui offrit des bijoux et
des parures: elle les refusa. D'abord Zustiniani s'imagina qu'elle
comprenait ses intentions secretes; mais bientot il s'apercut que
c'etait uniquement chez elle une sorte de rustique fierte, et qu'elle ne
voulait pas recevoir de recompenses avant de les avoir meritees en
travaillant a la prosperite de son theatre. Cependant il lui fit
accepter un habillement complet de satin blanc, en lui disant qu'elle ne
pouvait pas decemment paraitre dans son salon avec sa robe d'indienne,
et qu'il exigeait que, par egard pour lui, elle quittat la livree du
peuple. Elle se soumit, et abandonna sa belle taille aux couturieres a
la mode, qui n'en tirerent point mauvais parti et n'epargnerent point
l'etoffe. Ainsi transformee au bout de deux jours en femme eleg
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