la part des amants rebutes ou trahis par la
Corilla et qui desiraient de se voir venges par le triomphe d'une autre.
Quant aux veritables _dilettanti di musica_, ils etaient egalement
partages entre le suffrage des maitres serieux, tels que le Porpora,
Marcello, Jomelli, etc., qui annoncaient, avec le debut d'une excellente
musicienne, le retour des bonnes traditions et des bonnes partitions; et
le depit des compositeurs secondaires, dont la Corilla avait toujours
prefere les oeuvres faciles, et qui se voyaient menaces dans sa
personne. Les musiciens de l'orchestre, qu'on menacait aussi de remettre
a des partitions depuis longtemps negligees, et de faire travailler
serieusement; tout le personnel du theatre, qui prevoyait les reformes
resultant toujours d'un notable changement dans la composition de la
troupe; enfin jusqu'aux machinistes des decorations, aux habilleuses des
actrices et au perruquier des figurantes, tout etait en rumeur au
theatre San-Samuel, pour ou contre le debut; et il est vrai de dire
qu'on s'en occupait beaucoup plus dans la republique que des actes de la
nouvelle administration du doge Pietro Grimaldi, lequel venait de
succeder paisiblement a son predecesseur le doge Luigi Pisani.
Consuelo s'affligeait et s'ennuyait profondement de ces lenteurs et de
ces miseres attachees a sa carriere naissante. Elle eut voulu debuter
tout de suite, sans preparation autre que celle de ses propres moyens et
de l'etude de la piece nouvelle. Elle ne comprenait rien a ces mille
intrigues qui lui semblaient plus dangereuses qu'utiles, et dont elle
sentait bien qu'elle pouvait se passer. Mais le comte, qui voyait de
plus pres les secrets du metier, et qui voulait etre envie et non bafoue
dans son bonheur imaginaire aupres d'elle, n'epargnait rien pour lui
faire des partisans. Il la faisait venir tous les jours chez lui, et la
presentait a toutes les aristocraties de la ville et de la campagne. La
modestie et la souffrance interieure de Consuelo secondaient mal ses
desseins; mais il la faisait chanter, et la victoire etait brillante,
decisive, incontestable.
Anzoleto etait loin de partager la repugnance de son amie pour les
moyens secondaires. Son succes a lui n'etait pas a beaucoup pres aussi
assure. D'abord le comte n'y portait pas la meme ardeur; ensuite le
tenor auquel il allait succeder etait un talent de premier ordre, qu'il
ne pouvait point se flatter de faire oublier aisement. Il est vrai que
tous les soirs
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