; cela porte malheur
et cela t'enlaidit. Et vite, et vite! reprends ta belle robe, pendant
que j'irai t'acheter du rouge. Tu es pale comme un spectre."
Une discussion assez vive s'eleva entre eux a ce sujet. Anzoleto fut un
peu brutal. Le chagrin rentra dans l'ame de la pauvre fille; ses larmes
coulerent encore. Anzoleto s'en irrita davantage, et, au milieu du
debat, l'heure sonna, l'heure fatale, le quart avant deux heures, juste
le temps de courir a l'eglise, et d'y arriver en s'essoufflant. Anzoleto
maudit le ciel par un jurement energique. Consuelo, plus pale et plus
tremblante que l'etoile du matin qui se mire au sein des lagunes, se
regarda une derniere fois dans sa petite glace brisee: puis se
retournant, elle se jeta impetueusement dans les bras d'Anzoleto.
"O mon ami, s'ecria-t-elle, ne me gronde pas, ne me maudis pas.
Embrasse-moi bien fort, au contraire, pour oter a mes joues cette paleur
livide. Que ton baiser soit comme le feu de l'autel sur les levres
d'Isaie, et que Dieu ne nous punisse pas d'avoir doute de son secours!"
Alors, elle jeta vivement sa mantille sur sa tete, prit ses cahiers, et,
entrainant son amant consterne, elle courut aux Mendiant, ou deja la
foule etait rassemblee pour entendre la belle musique du Porpora.
Anzoleto, plus mort que vif, alla joindre le comte, qui lui avait donne
rendez-vous dans sa tribune; et Consuelo monta a celle de l'orgue, ou
les choeurs etaient deja en rang de bataille et le professeur devant son
pupitre. Consuelo ignorait que la tribune du comte etait situee de
maniere a ce qu'il vit beaucoup moins dans l'eglise que dans la tribune
de l'orgue, que deja il avait les yeux sur elle, et qu'il ne perdait pas
un de ses mouvements.
Mais il ne pouvait pas encore distinguer ses traits; car elle
s'agenouilla en arrivant, cacha sa tete dans ses mains, et se mit a
prier avec une devotion ardente. Mon Dieu, disait-elle du fond de son
coeur, tu sais que je ne te demande point de m'elever au-dessus de mes
rivales pour les abaisser. Tu sais que je ne veux pas me donner au monde
et aux arts profanes pour abandonner ton amour et m'egarer dans les
sentiers du vice. Tu sais que l'orgueil n'enfle pas mon ame, et que
c'est pour vivre avec celui que ma mere m'a permis d'aimer, pour ne m'en
separer jamais, pour assurer sa joie et son bonheur, que je te demande
de me soutenir et d'ennoblir mon accent et ma pensee quand je chanterai
tes louanges.
Lorsque les premiers accords de l'
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