Il n'est pas si
epatant que ca, ton nain! " et que je lui transmettais ces propos
desobligeants, lui, cynique, me repondait en anglais:
-- Qu'est-ce que vous voulez... il y a des jours ou on n'est pas en
train.
Un soir, je rentrai chez moi deux heures plus tot que ne semblait
l'indiquer mon occupation de ce jour-la.
Devinez qui je trouvai, partageant la couche de Clara (je me
rappelle maintenant, elle s'appelait Clara)!
Inutile de chercher, vous ne devineriez jamais.
Mon nain! Oui, mesdames et messieurs, Clara me trompait avec ce
British minuscule!
J'entrai dans une de ces coleres
Heureusement pour le traitre, je levai les bras au ciel avant de
songer a le calotter. Il profita du temps que mes mains mirent a
descendre jusqu'a sa hauteur pour filer.
Je ne le revis plus.
Quant a Clara, elle se tordait litteralement sous les couvertures.
-- Il n'y a pas de quoi rire, fis-je severement.
-- Comment, pas de quoi rire? Eh ben, qu'est-ce qu'il te faut a
toi?... Grosse bete, tu ne vas pas etre jaloux d'un nain anglais?
C'etait pour voir, voila tout. Tu n'as pas idee...
Et elle se reprit a rire de plus belle, apres quoi elle me donna
quelques details, reellement comiques, qui acheverent de me
desarmer.
C'est egal, dorenavant, je me mefiai des nains et, pour utiliser
le local que j'avais loue, je me procurai un geant japonais.
Vous rappelez-vous le geant japonais de 1878? Eh bien! c'est moi
qui le montrais. Mon geant japonais ne ressemblait en rien a mon
nain anglais. D'une taille plus elevee, il etait bon, serviable et
chaste.
Ou, du moins, il semblait doue de ces qualites. J'ai raison de
dire il semblait, car, a la suite de peu de jours, je fis une
decouverte qui me terrassa.
Un soir, rentrant inopinement dans la chambre de Camille (oui,
c'est bien Camille, je me souviens), je trouvai, jonchant le sol,
l'orientale defroque de mon geant, et dans le lit Camille... devinez
avec qui!
Inutile de chercher, vous ne trouveriez jamais.
Camille, avec mon ancien nain!
C'etait mon espece de petit cochon de nain anglais, qui n'avait
rien trouve de mieux, pour rester pres de Camille, que de se
deguiser en geant japonais.
Cette aventure me degouta a tout jamais du metier de barnum.
C'est vers cette epoque qu'entierement ruine par les prodigalites
de ma maitresse j'entrai en qualite de valet de chambre, 59, rue
de Douai, chez un nomme Sarcey.
LE VEAU
CONTE DE NOEL POUR SARA SALIS
Il
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