s avec les necessites et
les depenses de la vie actuelle, qu'ils ne sauront s'installer, comme il
faut, nulle part. Ils peuvent etre si bien chez nous, en reduisant la
vie de Nohant a des proportions moderees et avec le surcroit de revenu
que je leur laisse! Si mes arrangements avec les domestiques ne leur
conviennent pas, ils seront libres, l'annee prochaine, de m'en proposer
d'autres et je voudrai ce qu'ils voudront. Qu'ils tatent le terrain,
et, a la prochaine Saint-Jean, ils sauront a quoi s'en tenir sur leur
situation interieure. Apres moi, ils auront, non pas les ressources
journalieres que peut me creer mon travail quand je me porte bien, mais
le produit de tous mes travaux; ce qui augmentera beaucoup leur aisance,
et, comme ils n'ont pas a se preoccuper de l'avenir, ils peuvent
depenser leurs revenus sans inquietude.
Je sais qu'il y a pour Maurice un grand chagrin de coeur et un grand
mecompte d'habitudes a ne m'avoir pas toujours sous sa main pour songer
a tout, a sa place. Mais il est temps pour lui de se charger de sa
propre existence, et le devoir de sa femme est _d'avoir, de la tete_
et de me remplacer. N'est-ce pas avec elle qu'il doit vieillir, et
comptait-il, le pauvre enfant, que je durerais autant que lui?
Attirez leur attention et provoquez leur conviction sur cette idee, que,
pour que je meure en paix, il faut que je les voie prendre les renes
et mener leur attelage. Ce qui etait n'etait pas bien, puisqu'ils n'en
etaient pas contents et qu'ils m'en faisaient souvent l'observation.
J'ai change les choses autant que j'ai pu dans leur interet, et je suis
toujours la, prete a modifier selon leur desir, mais a la condition que
je n'aurai plus la responsabilite de ce qui ne realisera pas un ideal
qui n'est point de ce monde.
Je m'en remets a votre sagesse et aussi a votre adresse de coeur delicat
pour calmer ces chers etres, que vous aimez aussi paternellement, et
pour les rassurer sur mes sentiments, qui sont toujours aussi tendres
pour eux.
A vous de coeur, cher ami. Quand venez-vous a Paris? Prevenez-moi des a
present, si vous pouvez; car, toutes affaires cessantes, je veux vous
voir a Palaiseau et ne pas me croiser avec vous.
Tendresses a votre femme. Parlez-moi d'Antoine, que j'embrasse de tout
mon coeur.
G. SAND.
DLXXIV
A MAURICE SAND, A NOHANT
Palaiseau, 24 octobre 1864.
Cher enfant,
Voila la pluie, et, si elle dure quelques jours, j'in
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