Il y a une chose que j'ai peur de
vous avoir mal dite ... Vous allez deposer vendredi devant le Conseil de
guerre ... et votre deposition se trouve avoir une importance capitale,
vous n'y avez surement pas songe!... vous ne pouvez pas y avoir songe!
BRAMBOURG. Oh! si fait, Madame. Mais quand j'y songerais davantage, il
m'est impossible de deposer contre mes souvenirs, contre ma
conscience ... fut-ce meme dans l'interet d'un chef avec qui j'ai pu
parfois ne pas m'entendre, mais que je n'ai jamais cesse d'estimer comme
un homme d'honneur et comme un bon officier, digne assurement d'etre
acquitte et felicite par le Conseil de guerre.
JEANNE. Mais alors, rassemblez vos souvenirs. Dites toute la verite!
BRAMBOURG. Mais, Madame, je la dis, je l'ai dite! Vous ne voudriez
cependant pas me faire dire plus que je ne sais.
JEANNE. Etes-vous bien sur de ne pas vous souvenir?
BRAMBOURG. Comment?
JEANNE. Etes-vous bien sur qu'il n'y ait pas en ce moment, quelque chose
en vous, une rancune ...
BRAMBOURG. Je vous en prie, Madame ... Oh! Madame, pardon. Je suis tres
sur qu'en effet vous avez ete deja pour moi desagreable et brutale,
autant et plus que n'a ete le Commandant de Corlaix. Mais je suis sur en
ce moment, plus sur encore que vous m'insultez tres gratuitement en
supposant que n'importe quelle rancune pourrait influer sur mon
temoignage devant un Conseil de guerre. Cela, vous n'avez pas le droit
de l'admettre un seul instant!...
JEANNE. Monsieur ...
BRAMBOURG. Je ne pretends pas etre un coeur d'elite, ni un grand
caractere, et je ne pratique pas a tort et a travers l'oubli des
injures, mais je suis un officier francais!...
[Corlaix entre en marchant peniblement, s'appuyant sur Le Duc.]
SCENE IX
Les Memes, CORLAIX, LE DUC.
BRAMBOURG. Commandant ... je suis heureux de vous voir ... en bonne sante.
CORLAIX [lui coupant la parole]. Je vous remercie, Monsieur, de
l'interet que vous me portez. C'est vendredi, je crois, qu'auront lieu
les debats?
BRAMBOURG [menacant]. Oui, Commandant ... a vendredi! [Il salue et sort.]
SCENE X
JEANNE, CORLAIX, LE DUC.
JEANNE. Fred, je croyais que vous dormiez. [Corlaix secoue la tete.]
Vous avez l'air tres fatigue.
CORLAIX. La journee a ete longue.
JEANNE. Prenez mon bras. [Elle remplace Le Duc qui sort.] N'ayez pas
peur de vous appuyer.
CORLAIX. Petite Jeanne, merci.
JEANNE. Asseyez-vous la ... vous etes bien?
CORLAIX. Tout a fait
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