e refuserai toute femme qui
pourrait vouloir de moi, pour ne pas te quitter, pour vivre pres de toi,
pour n'aimer que toi."
Juliette poussa un cri de joie et saisit les mains de Charles.
Charles: Ecoute-moi encore, Juliette. Je n'ai pas, fini. Il y aura une
modification necessaire a notre vie; jusqu'ici tu as ete mon amie, ma
soeur; dorenavant il faut que tu sois mon amie... et ma femme.
Juliette:--Ta femme! ta femme! Mais, Charles, tu oublies que je suis
aveugle, que j'ai deux ans de plus que toi!
Charles:--Que m'importe que tu sois aveugle; c'est ta cecite qui m'a
d'abord attache a toi; c'est elle qui m'a fait aimer de toi a cause des
soins que je t'ai donnes! Et quant a tes deux annees de plus que les
miennes, qu'importe, si tu restes pour moi plus jeune et plus charmante
que toutes les femmes qu'on m'a proposees; et puis, Marianne voulait me
faire epouser cette petite de tout a l'heure! Elle a un an de plus que
toi, Betty me l'a dit; elle en est certaine... Tes objections sont
levees, ma Juliette; maintenant decide de mon sort, de notre vie."
Au lieu de repondre, Juliette tendit ses deux mains a Charles, qui les
baisa avec emotion. Ils garderent quelque temps le silence.
"Qui aurait pu deviner un pareil denouement dit enfin Charles, quand
je faisais cinquante sottises, quand tu me grondais, quand je n'etais
devant toi qu'un pauvre petit garcon? Qui aurait pu deviner que ce petit
diable serait aime de toi, serait ton ami, ton mari?
Juliette, riant:--Et qui aurait pu deviner que ce petit diable
deviendrait le plus sage, le plus excellent, le plus devoue des hommes;
qu'il saurait dominer l'impetuosite de son caractere pour se faire
l'esclave de la pauvre aveugle, et qu'il lui donnerait le bonheur auquel
elle ne pouvait pretendre, celui d'etre aimee pour elle-meme, et d'unir
sa vie a celui qu'elle aime par dessus tout, apres Dieu."
Ils causerent longtemps encore; et quand Marianne rentra, elle les
trouva comme elle les avait quittes, causant gaiement... de leur avenir
qu'elle ignorait. Ils etaient convenus de ne rien dire a Marianne; tous
deux etaient libres de leurs actions; Juliette avait deja souffert du
refroidissement de sa soeur a son egard, depuis qu'elle avait refuse de
la suivre chez le juge: elle avait ainsi retarde ce mariage que Marianne
desirait vivement; elle craignait que sa soeur ne fit naitre des
difficultes pour le sien, qu'elle ne blamat Charles d'epouser une
aveugle, une femme plus ag
|