lettre affectueuse accompagnait le present; Charles lui demandait de
l'aider a se debarrasser de son superflu, en acceptant vingt mille
livres qu'il se permettait de lui offrir.
"J'en ai donne cinquante mille a Juliette, ajouta-t-il; peut-etre
devinerez-vous maintenant l'enigme de mon mariage. Vous etes et vous
serez ma soeur plus que jamais; en m'acceptant pour frere, vous
comblerez mes voeux et ceux de ma bien-aimee Juliette."
Dans sa surprise, Marianne laissa retomber la lettre.
"Juliette!... Juliette!... C'est Juliette! s'ecria-t-elle. Il faut que
je l'apprenne a mon mari! Va-t-il etre etonne! Le voici tout juste...
Venez voir, mon ami, quelle decouverte je viens de faire! La femme, de
Charles, sera... Juliette! Eh bien, vous n'etes pas surpris?
Le juge, souriant:--Je l'avais devine des que vous m'avez parle du
mariage arrete de Charles, ma chere amie! Qui pouvait-il aimer et
epouser, sinon Juliette? la bonne, la douce, la charmante Juliette!
Marianne:--Puisque vous approuvez ce mariage, je n'ai rien a en dire,
mais je ne puis me faire a l'idee de voir Juliette mariee.
Le juge:--Et demain, quand vous les verrez, Marianne, soyez bonne
et affectueuse pour eux; depuis quelque temps vous n'etes plus pour
Juliette la soeur tendre et devouee que vous etiez jadis. Et, quant a
Charles, vous etiez tout a fait en froid avec lui.
Marianne:--C'est vrai! Je leur en voulais de s'obstiner a ne pas se
quitter, et de retarder ainsi mon union avec vous. Charles rejetait tous
les partis que je lui offrais, et Juliette refusait de venir demeurer
avec moi chez vous.
Le juge:--Mais nous voici enfin maries, chere Marianne, et vous n'avez
plus de raison de leur en vouloir.
Marianne, souriant:--Aussi suis-je toute disposee a obeir a votre
premiere injonction, et a leur temoigner toute ma satisfaction. Nous
irons les voir demain de bonne heure, n'est-ce pas?
Le juge:--A l'heure que vous voudrez, chere amie, je suis a vos ordres."
XXIII
CHACUN EST CASE SELON SES MERITES
Effectivement, le lendemain a neuf heures, Marianne et son mari
arrivaient chez Charles et Juliette au moment ou ces derniers rentraient
de la messe et commencaient leur dejeuner. Marianne courut embrasser
Juliette, qui la serra tendrement dans ses bras.
Juliette:--Tu sais tout maintenant, Marianne. Tu comprends l'obstination
de Charles a ne pas vouloir se marier, et la mienne de ne pas vouloir
m'en separer. Charles craignait ton opposition, et
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