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neige et le vent. Vous en rirez si vous voulez, mais un vigneron de
l'endroit, nomme Garrigue, sans doute un descendant de Garrigou, m'a
affirme qu'un soir de Noel, se trouvant un peu en ribote, il s'etait
perdu dans la montagne du cote de Trinquelague; et voici ce qu'il avait
vu. Jusqu'a onze heures, rien. Tout etait silencieux, eteint, inanime.
Soudain, vers minuit, un carillon sonna tout en haut du clocher, un
vieux, vieux carillon qui avait l'air d'etre a dix lieues. Bientot, dans
le chemin qui monte, Garrigue vit trembler des feux, s'agiter des ombres
indecises. Sous le porche de la chapelle, on marchait, on chuchotait:
"Bonsoir, maitre Arnoton!
--Bonsoir, bonsoir, mes enfants!..."
Quand tout le monde fut entre, mon vigneron, qui etait tres brave,
s'approcha doucement, et, regardant par la porte cassee, eut un
singulier spectacle. Tous ces gens qu'il avait vus passer etaient ranges
autour du choeur, dans la nef en ruine, comme si les anciens bancs
existaient encore. De belles dames en brocart avec des coiffes de
dentelle, des seigneurs chamarres du haut en bas, des paysans en
jaquettes fleuries ainsi qu'en avaient nos grands-peres, tous l'air
vieux, fane, poussiereux, fatigue. De temps en temps, des oiseaux de
nuit, hotes habituels de la chapelle, reveilles par toutes ces lumieres,
venaient roder autour des cierges dont la flamme montait droite et vague
comme si elle avait brule derriere une gaze; et ce qui amusait beaucoup
Garrigue, c'etait un certain personnage a grandes lunettes d'acier, qui
secouait a chaque instant sa haute perruque noire sur laquelle un de
ces oiseaux se tenait droit tout empetre en battant silencieusement des
ailes...
Dans le fond, un petit vieillard de taille enfantine, a genoux au milieu
du choeur, agitait desesperement une sonnette sans grelots et sans voix,
pendant qu'un pretre babille de vieil or allait, venait devant l'autel
en recitant des oraisons dont on n'entendait pas un mot... Bien sur
c'etait dont Balaguere en train de dire sa troisieme messe basse.
LE NOUVEAU MAITRE
Elle est bien changee notre petite ecole, depuis le depart de M. Hamel.
De son temps, nous avions toujours quelques minutes de grace le matin,
en arrivant. On se mettait en rond autour du poele pour se degourdir un
peu les doigts, secouer la neige, ou le gresil attache aux habits. On
causait doucement en se montrant les uns aux autres, ce qu'on avait dans
son panier. Cela donnait, a ceux qui
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