epee avait longtemps
fait l'ambition de Porthos. Porthos aurait donne dix annees de sa
vie pour posseder cette epee.
Un jour qu'il avait rendez-vous avec une duchesse, il essaya meme
de l'emprunter a Athos. Athos, sans rien dire, vida ses poches,
ramassa tous ses bijoux: bourses, aiguillettes et chaines d'or, il
offrit tout a Porthos; mais quant a l'epee, lui dit-il, elle etait
scellee a sa place et ne devait la quitter que lorsque son maitre
quitterait lui-meme son logement. Outre son epee, il y avait
encore un portrait representant un seigneur du temps de Henri III
vetu avec la plus grande elegance, et qui portait l'ordre du
Saint-Esprit, et ce portrait avait avec Athos certaines
ressemblances de lignes, certaines similitudes de famille, qui
indiquaient que ce grand seigneur, chevalier des ordres du roi,
etait son ancetre.
Enfin, un coffre de magnifique orfevrerie, aux memes armes que
l'epee et le portrait, faisait un milieu de cheminee qui jurait
effroyablement avec le reste de la garniture. Athos portait
toujours la clef de ce coffre sur lui. Mais un jour il l'avait
ouvert devant Porthos, et Porthos avait pu s'assurer que ce coffre
ne contenait que des lettres et des papiers: des lettres d'amour
et des papiers de famille, sans doute.
Porthos habitait un appartement tres vaste et d'une tres
somptueuse apparence, rue du Vieux-Colombier. Chaque fois qu'il
passait avec quelque ami devant ses fenetres, a l'une desquelles
Mousqueton se tenait toujours en grande livree, Porthos levait la
tete et la main, et disait: Voila ma demeure! Mais jamais on ne le
trouvait chez lui, jamais il n'invitait personne a y monter, et
nul ne pouvait se faire une idee de ce que cette somptueuse
apparence renfermait de richesses reelles.
Quant a Aramis, il habitait un petit logement compose d'un
boudoir, d'une salle a manger et d'une chambre a coucher, laquelle
chambre, situee comme le reste de l'appartement au rez-de-
chaussee, donnait sur un petit jardin frais, vert, ombreux et
impenetrable aux yeux du voisinage.
Quant a d'Artagnan, nous savons comment il etait loge, et nous
avons deja fait connaissance avec son laquais, maitre Planchet.
D'Artagnan, qui etait fort curieux de sa nature, comme sont les
gens, du reste, qui ont le genie de l'intrigue, fit tous ses
efforts pour savoir ce qu'etaient au juste Athos, Porthos et
Aramis; car, sous ces noms de guerre, chacun des jeunes gens
cachait son nom de gentilhomme, Athos surtout,
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