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dans la parole un equivalent qui ne saurait s'y trouver. Le plus hardi, le plus pittoresque de tous les modernes, Victor Hugo, ne me suffisait meme plus. C'est a cela que je sentis que la manifestation de mon ivresse interieure ne serait jamais litteraire. Mon imagination etait pauvre ou paresseuse, puisque les plus puissants ecrivains ne m'avaient jamais fait pressentir ce que mes yeux seuls venaient de me reveler. Je fus pourtant bien longtemps avant d'oser me dire que je pouvais etre peintre; et meme encore aujourd'hui j'ignore si ces premieres emotions furent les vrais symptomes d'une vocation determinee; mais, a coup sur, elles furent l'appel d'un gout predominant et insatiable. J'avais quelque chose comme dix-neuf ans, lorsque, durant mes longues veillees de l'hiver, l'idee, ou plutot le besoin me vint de me remettre sous les yeux, tant bien que mal, les splendeurs de l'ete. Je pris un crayon et je dessinai, admirant naivement cet essai barbare, et, cette fois, domine par mon imagination qui me faisait voir autre chose que ce que ma main pouvait executer. Le lendemain, je reconnus ma folie et brulai mon barbouillage; mais je recommencai, et cela dura ainsi plusieurs mois. Tous les soirs, j'etais charme de mon ebauche; tous les matins, je la detruisais, craignant de m'habituer a la laideur de mon propre ouvrage. Et pourtant les heures de la veillee s'envolaient comme des minutes dans cette mysterieuse elaboration. L'idee me vint enfin d'essayer de copier la nature. Je copiai tout avec une bonne foi sans pareille; je comptais presque les feuilles des branches; je voulais ne rien laisser a l'interpretation, et je perdais, dans le detail, la notion de l'ensemble, sans rendre meme le detail, car tout detail est un ensemble par lui-meme. Un jour, mon oncle m'emmena dans un chateau ou je vis enfin de la peinture des maitres anciens et nouveaux. Mon instinct me poussait vers le paysage. Je restai absorbe devant un Ruysdael. Je ne le compris pas d'abord. Peu a peu la lumiere se fit, et je m'avisai que c'etait la une science de toute la vie. Je resolus, des que je serais independant, d'employer ma vie, a moi, selon mes forces, a ecrire, avec de la couleur sur de la toile, le reve de mon ame. On me preta de bons dessins; mon oncle me permit meme l'achat d'une boite d'aquarelle. Il ne s'inquieta pas de ma monomanie; mais, quand, parvenu a ma majorite, je lui revelai ma pensee, je le vis bouleverse. Je m'y attendai
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