n! C'etait en Mai 1878.
Nous etions tous deux membres du jury de l'Exposition Universelle. On
n'avait rien fait qui vaille a la premiere seance de notre classe, qui
avait eu lieu le matin. Tout le monde avait parle et reparle pour ne
rien dire. Cela durait depuis huit heures; il etait midi. Je demandai
la parole pour une motion d'ordre, et je proposal que la seance fut
levee a la condition que chaque membre francais _emportat_ a dejeuner
un jure etranger. Jenkin applaudit. "Je vous emmene dejeuner," lui
criai-je. "Je veux bien." ... Nous partimes; en chemin nous vous
rencontrions; il vous presente, et nous allons dejeuner tous trois
aupres du Trocadero.
Et, depuis ce temps, nous avons ete de vieux amis. Non seulement nous
passions nos journees au jury, ou nous etions toujours ensemble,
cote-a-cote. Mais nos habitudes s'etaient faites telles que, non
contents de dejeuner en face l'un de l'autre, je le ramenais diner
presque tous les jours chez moi. Cela dura une quinzaine: puis il fut
rappele en Angleterre. Mais il revint, et nous fimes encore une bonne
etape de vie intellectuelle, morale et philosophique. Je crois qu'il
me rendait deja tout ce que j'eprouvais de sympathie et d'estime, et
que je ne fus pas pour rien dans son retour a Paris.
Chose singuliere! nous nous etions attaches l'un a l'autre par les
sous-entendus bien plus que par la matiere de nos conversations. A
vrai dire, nous etions presque toujours en discussion; et il nous
arrivait de nous rire au nez l'un et l'autre pendant des heures, tant
nous nous etonnions reciproquement de la diversite de nos points de
vue. Je le trouvais si anglais, et il me trouvait si francais! Il
etait si franchement revolte de certaines choses qu'il voyait chez
nous, et je comprenais si mal certaines choses qui se passaient chez
vous! Rien de plus interessant que ces contacts qui etaient des
contrastes, et que ces rencontres d'idees qui etaient des choses; rien
de si attachant que les echappees de coeur ou d'esprit auxquelles ces
petits conflits donnaient a tout moment cours. C'est dans ces
conditions que, pendant son sejour a Paris en 1878, je conduisis un
peu partout mon nouvel ami. Nous allames chez Madame Edmond Adam, ou
il vit passer beaucoup d'hommes politiques avec lesquels il causa.
Mais c'est chez les ministres qu'il fut interesse. Le moment etait,
d'ailleurs, curieux en France. Je me rappelle que
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