trone de France. Cette royaute feodale naissante nous est
en somme tres mal connue, faute de documents. Il semble qu'elle
puisse etre ainsi definie: un suzerain choisi par l'election des
grands et consacre par l'onction religieuse, qui est le seigneur des
seigneurs et dont tous les sujets sont consideres comme les vassaux.
Elle parait depouillee de presque toutes les prerogatives de la
souverainete. Les mesures generales prises par le roi, levees d'hommes
ou d'argent, ont un caractere exceptionnel et transitoire. Il n'y a
plus d'armee royale, plus d'impots, plus de dimes, plus de justice
royale. Nous assistons a l'abandon successif du droit regalien de
battre monnaie en faveur des grands feudataires laiques et
ecclesiastiques. Enfin il n'existe plus de legislation royale edictee
par des capitulaires: depuis Carloman, on trouve trace uniquement de
mesures d'ordre prive, prises par de simples diplomes. Neanmoins telle
etait la force des souvenirs recents de la puissance d'un Charlemagne
ou d'un Charles le Chauve, que le principe de l'unite monarchique,
contre-poids necessaire au morcellement feodal, prevalut sur le
systeme des anciens partages germaniques, dont Louis le Begue avait
encore fait l'application. Cette royaute apparaissait comme un element
stable, dans l'anarchie issue de la decomposition d'un ancien
organisme en ruines et consequence naturelle des nouveaux phenomenes
sociaux[309].
Des bords de l'Escaut jusqu'en Navarre, Raoul parvint a faire
reconnaitre sa suzerainete, grace a son habile politique et a son
ascendant moral, fruit de ses victoires sur les Normands qu'il tailla
en pieces en de rudes batailles, a Chalmont, Estresse, Eu et
Fauquembergue. Il donnait des actes relatifs au comte de Tournai[310],
et le seigneur gascon Loup Aznar qui vint lui preter hommage, du fond
de la Gascogne, sur sa "rossinante" etait, semble-t-il, le propre
beau-pere de Sanche-Garcie[311]. Enfin des monnaies au nom de Raoul
etaient frappees notamment a Angouleme, Beauvais, Bourges,
Chateau-Gaillard, Chateau-Landon, Chateaubleau, Chateaudun, Chartres,
Compiegne, Dreux, Etampes, Langres, Laon, au Mans, au Puy, a Meaux,
Nogent, Nevers, Orleans, Paris, Poissy, Saint-Denis, Sens, Soissons,
peut-etre a Lyon[312].
Le passage de Raoul au pouvoir eut cependant, on ne peut le nier, deux
resultats facheux: la perte de la Lorraine et la reprise des
hostilites par les Normands. S'il reussit a forcer ces derniers a la
paix, et s'il parvi
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