des especes de lits a trois etages dans le fond de cale de
maniere a accommoder 300 hommes sans trop d'encombrement. Le soir arriva
et nous etions encore a travailler.
Lundi 13.--De bonne heure l'on se met en route. L'eau est calme et le
trajet s'annonce favorable. Petit a petit la terre disparait et se mele
avec le bleu azure du firmament ou elle ne parait bientot plus que comme
une bande grisatre. Quelques heures plus tard on ne voit plus rien que
le ciel et l'eau. Cela dure deux jours et deux nuits. On s'ennuie a la
mort au fond de cette barge ou la seule distraction possible est de
manger un hard-tack beurre et Sucre.
[Illustration: SERGENT C. FAILLE.]
Qui pourrait depeindre la vie de chacun de nous pendant ces deux
mortelles journees? Il faudrait d'abord bien connaitre l'embarcation ou
nous etions et son etrange ameublement. A l'exterieur rien n'attirait
l'attention d'une maniere speciale. Sa robe de peinture blanche n'etait
pas fraiche et etait parsemee d'accrocs nombreux sous lesquels on voyait
son corps humide. A l'avant on lisait _Red River_ peint en lettres
rouges. Sur le pont un assemblage des plus divers de barils de sucre,
de boites de hard-tacks, de sacs a fleur, etc., dans un desordre
indescriptible. Trois grandes ouvertures donnaient entree a la cale
ou s'etait refugiee la plus grande partie du bataillon; le pont etait
occupe, par ceux qui n'avaient pu trouver place dans la cale et par les
officiers qui avaient dresse une tente sur le devant. Ils etaient 22
a bord, le capt. Ethier avait le commandement. Des echelles de
construction primitive menaient du pont a la cale. Au pied de la
premiere echelle un poele a fourneaux servait aux besoins culinaires des
compagnies. En penetrant a fond de cale, l'on pouvait se croire dans une
obscurite complete et n'eut-ce ete l'humidite on se serait cru dans les
regions infernales (car chacun sait qu'il fait chaud dans cet endroit).
Cependant l'oeil s'habituait peu a peu aux tenebres et un spectacle
etrange s'offrait a la vue. De longues galeries a plusieurs etages
bordaient de chaque cote l'etroit couloir qui menait le _touriste_ a
l'avant ou a l'arriere du vaisseau. Jamais bazar persan ni foire St.
Cloud ne presenta a ses visiteurs spectacle plus burlesque. Tous les
types s'y rencontraient, il y avait une etrange agglomeration de
caracteres et de costumes. Dans un coin quatre ou cinq bons _zigues_
jouent au _bluff_ et interrompent la partie par des jeux de mots
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