brisee par un trop long sejour sur le terrain
des hostilites, et beaucoup d'autres dont je ne me rappelle pas beaucoup
aujourd'hui mais qui alors me paraissaient insurmontables.
En depit de tous ces obstacles et peut-etre meme a cause d'eux,
mercredi, le 1er avril, comme on m'annoncait que le bataillon devait
partir avant 24 heures, je pris mon parti tout a coup et, sans plus
hesiter, entrai dans la chambre de recrutement et demandai qu'on
m'enrolat. On accueillit ma demande et a 10 heures a.m. j'etais enrole
membre de la compagnie No. 1. Je me fis immediatement donner une tunique
et tout l'accoutrement qu'il me fallait. Il me semblait ne pouvoir etre
soldat sans cela.
L'apres-midi se passa a la salle du marche, chaque compagnie faisant
l'exercice militaire sous les ordres de l'instructeur Labranche.
Enfin le soir arriva. L'emotion qui s'empara de moi en arrivant a la
maison peut etre mieux imaginee que decrite. Ma bonne mere qui avait
tant souffert lors de notre premiere separation, qu'allait-elle dire en
apprenant que son fils venait de s'enroler comme soldat?
Je cachai de mon mieux mon uniforme sons mon pardessus et mettant mon
kepi sous mon bras, je remis mon casque d'hiver sur ma tete. Enfin
j'entrai et appris a ma mere la verite.
Quelques heures plus tard, j'allai faire mes adieux M. le cure et a mes
autres amis.
J'allai a confesse et vers les neuf heures revins a la maison. Ma mere
secha bientot ses larmes, et l'on proceda aux preparatifs de mon depart.
Que la nuit me parut longue! Je ne pus fermer l'oeil, car j'entendais de
ma chambre les sanglots de ma pauvre mere! Que de fois l'idee me vint
de me lever et d'aller la consoler: mais aussitot je pensais que mieux
valait faire semblant de ne pas m'en apercevoir; puisqu'elle s'etait
retenue devant moi, pour pleurer seule maintenant, c'est qu'elle voulait
me cacher sa douleur. Je m'assoupis en priant Dieu pour elle.
Des 6.30 heures, le lendemain, j'etais debout. Ma mere vint a l'eglise
avec moi. Nous communiames tous les deux. Oh! comme j'aurais mele mes
larmes aux siennes, si l'amour-propre ne m'avait retenu. Mais la foule
etait la qui nous regardait.
La messe terminee, ma mere et moi retournames & la maison. Le dejeuner
ne fut pas bien gai. Ma mere ne mangea rien du tout et sa douleur
me rendit triste. Enfin le moment des adieux arriva. Mon beau-pere
paraissait plus emu qu'il ne l'aurait voulu, et pleura quand je
l'embrassai et ma mere ne voulut
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