nde de
salles d'asiles, tant inaugure, porte de toasts, absorbe de harangues,
de vin de Talano et de fromage blanc, que je n'ai pas trouve le temps
d'envoyer un bonjour affecteux au petit cercle de famille autour de la
grande table ou je manque voila deux semaines. Heureusement que mon
absence ne sera plus bien longue, car nous comptons partir apres-demain
et rentrer a Paris d'un trait. Au point du vue de l'election, je crois
que notre voyage a reussi. La Corse est un admirable pays, indolent et
pauvre, melange de miseres et de fiertes qui font conserver aux familles
nobles ou bourgeoises une certaine apparence aisee au prix meme des plus
douloureuses privations. On parle ici tres serieusement de la fortune
de Popolasca, ce depute besoigneux a qui la mort a vole les cent mille
francs que devait lui rapporter sa demission un faveur du Nabab.
Tous ces gens-la ont, en outre, une rage de places, une fureur
administrative, le besoin de porter un uniforme quelconque et
une casquette plate sur laquelle on puisse ecrire: "employe du
gouvernement." Vous donneriez a choisir a un paysan Corse entre la plus
riche ferme en Beauce et le plus humble baudrier de garde champetre, il
n'hesiterait pas et prendrait le baudrier. Dans ces conditions-la,
vous pensez, si un candidat disposant d'une fortune personnelle et des
faveurs du gouvernement a des chances pour etre elu. Aussi M. Jansoulet
le sera-t-il, surtout s'il reussit dans la demarche qu'il fait en ce
moment et qui nous a amenes ici a l'unique auberge d'un petit pays
appele Pozzonegro (puits noir), un vrai puits tout noir de verdure,
cinquante maisonnettes en pierre rouge serrees autour d'un long clocher
a l'italienne, au fond d'un ravin entoure de cotes rigides, de rochers
de gres colore qu'escaladent d'immenses forets de melezes et de
genevriers. Par ma fenetre ouverte, devant laquelle j'ecris, je vois
la-haut un morceau de bleu, l'orifice du puits noir; en bas, sur la
petite place qu'ombrage un vaste noyer, comme si l'ombre n'etait pas
deja assez epaisse, deux bergers vetus de peaux de betes en train de
jouer aux cartes, accoudes a la pierre d'une fontaine. Le jeu, c'est la
maladie de ce pays de paresse, ou l'on fait faire la moisson par
les Lucquois. Les deux pauvres diables que j'ai la devant moi ne
trouveraient pas un liard au fond de leur poche; l'un joue son couteau,
l'autre un fromage enveloppe de feuilles de vigne, les deux enjeux poses
a cote d'eux sur le banc. Un petit c
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