ue eloigna les
deux barques l'une de l'autre et, aux gestes desesperes des sauveteurs,
il devint certain que leur malheureux compagnon n'avait pu etre sauve.
Talbot ni Jeanne n'assisterent a cette seconde partie du drame.
Le pilote avait trouve la jeune fille evanouie a la place ou Raymond lui
avait donne le baiser supreme. En hate, il l'avait transportee chez lui
pour lui prodiguer ses soins.
Quand le soir vint, sans que son fiance eut reparu, Jeanne, en proie au
delire, repetait:
--Il est mort!... il est mort!... je lui ai ordonne de mourir!...
VII
Un soir du mois de juin 1883, le port du Havre etait anime par l'arrivee
d'un des grands transatlantiques qui font le service direct entre la
France et l'Amerique.
Un homme franchit rapidement la passerelle qui unissait le pont du
navire au quai. Il se dirigea, apres une courte hesitation, vers
l'entree du port. Arrive sur le Grand-Quai, il penetra dans une
ruelle obscure et s'arreta bientot a la porte d'une maison de modeste
apparence. Il frappa.
Une femme agee parut sur le seuil.
--Le capitaine est-il chez lui?--interrogea le visiteur.
--Me voici!... Que me voulez-vous?--cria une voix rude du fond de la
piece.
Le visiteur entra. Il se trouva en presence du maitre du logis qui
l'examina curieusement et crut devoir reiterer sa question.
L'inconnu se decouvrit et se placa sous la lumiere:
--Capitaine Robert, me reconnaissez-vous?
L'autre le fixa longuement, puis, tout a coup, recula, comme frappe de
stupeur:
--Raymond Gosselin!...
Et il resta quelques instants, bouche beante, en regardant avec
ahurissement le jeune homme immobile devant lui. Enfin, se hasardant a
rompre le silence:
--Toi..., c'est bien toi!... Tu n'es donc pas mort!...
--De fait, puisque me voici,--repondit le matelot, en souriant malgre
lui.
Le capitaine lui saisit les mains.
--Mon pauvre Raymond!... Que je suis content!... Embrasse-moi donc!...
Ils s'etreignirent longuement.
--Tu vas tout me raconter,--continua le capitaine.--Mais tu arrives, tu
dois avoir faim.... Hola! la mere, a souper pour ce garcon!...
La vieille qui, discretement, s'etait retiree dans la piece voisine,
rentra alors. Ce fut de sa part, en reconnaissant le jeune homme, une
nouvelle surprise, melangee de frayeur et suivie de pres d'une seconde
accolade a laquelle notre ami se preta de bon coeur.
Il etait assis, quelques instants apres, devant un solide repas et se
disposai
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