s amena sur l'avant du
sloop, s'arreter comme pour l'observer.... Une heure d'angoisse se passa
ainsi pour la foule massee sur la jetee.
Talbot et quelques matelots observaient la marche du sauvetage.
Raymond, affaisse sur un banc, ne voulait rien voir.... Il pleurait.
Jeanne, assise pres de lui, ne trouvant point de mots pour consoler
cette etrange douleur, restait, le regard fixe, toute pale et
frissonnante.
Soudain un cri terrible retentit, repete par des centaines de bouches:
--Perdus!... Ils sont perdus!...
Raymond se dressa. Son visage, encore baigne de larmes, eut une
expression d'horreur indefinissable, et son regard alla, d'un trait, a
l'endroit ou le canot se montrait encore, mais vide!...
Au meme instant une main etreignit la sienne.
Jeanne etendait le bras vers la barque:
--Va,--lui dit-elle--meurs ou sauve-les!...
Il la saisit avec folie dans ses bras, la pressa sur son coeur, puis,
sans une parole, s'elanca du cote ou, deja, les autres matelots
s'etaient precipites.
VI
Quelques instants apres, le second canot, enleve vigoureusement,
franchissait a son tour les jetees.
Raymond etait debout a la barre.... Talbot avait du lui ceder la place.
L'epouvante qui s'etait emparee de la foule arrivait a son paroxysme....
Qui savait si ces braves pourraient arriver a temps sur le lieu du
sinistre? N'avaient-ils pas contre eux cette mer inassouvie qui,
peut-etre, allait les engloutir comme les premiers?
C'etait horrible, et plus d'un detournait la tete pour ne plus voir,
quand un incident nouveau vint ranimer tous les coeurs.
Du cote ou le premier canot avait chavire apparaissait un autre navire,
beaucoup plus vaste que le sloop en detresse. Chacun vit distinctement
une chaloupe s'en detacher et ramer avec energie vers le canot naufrage.
Ce nouveau secours fut acclame par mille hourras et la voix de la foule
etouffa un instant celle de la tempete.
Le canot que dirigeait Raymond volait sur les vagues. La conscience d'un
secours inespere avait decuple les forces des rameurs.
Les deux barques furent bientot a proximite l'une de l'autre. En
arrivant sur le lieu du sinistre, elles ralentirent leur marche, comme
pour s'orienter. On vit les matelots se faire des signes de l'une a
l'autre. Raymond etait toujours debout a la barre. Tout a coup on le vit
chanceler et disparaitre. Une vague gigantesque, prenant le canot en
poupe, l'avait emporte. Presque aussitot, une nouvelle vag
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