on?... Si, toujours: seulement, depuis que le malade est hors de
danger, elle n'entre presque jamais dans sa chambre. Quand elle y vient,
c'est en passant, pour prendre l'aveugle et la mener a table; mais le
petit Chose, jamais un mot... Ah! qu'il est loin le temps de la
rose rouge, le temps ou, pour dire: "Je vous aime", les yeux noirs
s'ouvraient comme deux fleurs de velours! Dans son lit, le malade
soupire, en pensant a ces bonheurs envoles. Il voit bien qu'on ne l'aime
plus, qu'on le fuit, qu'il fait horreur; mais c'est lui qui l'a voulu.
Il n'a pas le droit de se plaindre. Et pourtant, c'eut ete si bon, au
milieu de tant de deuils et de tristesses, d'avoir un peu d'amour
pour se chauffer le coeur! c'eut ete si bon de pleurer sur une epaule
amie!... "Enfin!... le mal est fait, se dit le pauvre enfant, n'y
songeons plus, et treve aux revasseries! pour moi, il ne s'agit plus
d'etre heureux dans la vie; il s'agit de faire son devoir... Demain, je
parlerai a Pierrotte."
En effet, le lendemain, a l'heure ou le Cevenol traverse la chambre a
pas de loup pour descendre au magasin, le petit Chose, qui est la depuis
l'aube a guetter derriere ses rideaux, appelle doucement.
"Monsieur Pierrotte! monsieur Pierrotte!"
Pierrotte s'approche du lit; et alors le malade tres emu, sans lever les
yeux:
"Voici que je m'en vais sur ma guerison, mon bon monsieur Pierrotte,
et j'ai besoin de causer serieusement avec vous. Je ne veux pas vous
remercier de ce que vous faites pour ma mere et pour moi..."
Vive interruption du Cevenol: "Pas un mot la-dessus, monsieur Daniel!
tout ce que je fais, je devais le faire. C'etait convenu avec M.
Jacques.
--Oui! je sais, Pierrotte, je sais qu'a tout ce qu'on veut vous dire sur
ce chapitre vous faites toujours la meme reponse... Aussi n'est-ce pas
de cela que je vais vous parler. Au contraire, si je vous appelle, c'est
pour vous demander un service. Votre commis va vous quitter bientot;
voulez-vous me prendre a sa place? Oh! je vous en prie, Pierrotte,
ecoutez-moi jusqu'au bout; ne me dites pas non, sans m'avoir ecoute
jusqu'au bout... Je le sais, apres ma lache conduite, je n'ai plus le
droit de vivre au milieu de vous. Il y a dans la maison quelqu'un que ma
presence fait souffrir, quelqu'un a qui ma vue est odieuse, et ce n'est
que justice!... Mais si je m'arrange pour qu'on ne me voie jamais, si je
m'engage a ne jamais monter ici, si je reste toujours au magasin, si je
suis de votre maiso
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