e, comme elevation de pensee
et de but, il est d'une tout autre espece. Napoleon Buonaparte etait
avide de renommee et de gloire; Arthur Wellesley ne se soucie ni de
l'une ni de l'autre; l'opinion publique, la popularite, etaient choses
de grand valeur aux yeux de Napoleon; pour Wellington l'opinion
publique est une rumeur, un rien que le souffle de son inflexible
volonte fait disparaitre comme une bulle de savon. Napoleon flattait
le peuple; Wellington le brusqne; l'un cherchait les
applau-dissements, l'autre ne se soucie que du temoignage de sa
conscience; quand elle approuve, c'est assez; toute autre louange
l'obsede. Aussi ce peuple, qui adorait Buonaparte s'irritait,
s'insurgeait contre la morgue de Wellington: parfois il lui temoigna
sa colere et sa haine par des grognements, par des hurlements de betes
fauves; et alors, avec une impassibilite de senateur romain, le
moderne Coriolan toisait du regard l'emeute furieuse; il croisait ses
bras nerveux sur sa large poitrine, et seul, debout sur son seuil, il
attendait, il bravait cette tempete populaire dont les flots venaient
mourir a quelques pas de lui: et quand la foule, honteuse de sa
rebellion, venait lecher les pieds du maitre, le hautain patricien
meprisait l'hommage d'aujourd'hui comme la haine d'hier, et dans les
rues de Londres, et devant son palais ducal d'Apsley, il repoussait
d'un genre plein de froid dedain l'incommode empressement du peuple
enthousiaste. Cette fierte neanmoins n'excluait pas en lui une rare
modestie; partout il se soustrait a l'eloge; se derobe au panegyrique;
jamais il ne parle de ses exploits, et jamais il ne souffre qu'un
autre lui en parle en sa presence. Son caractere egale en grandeur et
surpasse en verite celui de tout autre heros ancien ou moderne. La
gloire de Napoleon crut en une nuit, comme la vigne de Jonas, et il
suffit d'un jour pour la fletrir; la gloire de Wellington est comme
les vieux chenes qui ombragent le chateau de ses peres sur les rives
du Shannon; le chene croit lentement; il lui faut du temps pour
pousser vers le ciel ses branches noueuses, et pour enfoncer dans le
sol ces racines profondes qui s'enchevetrent dans les fondements
solides de la terre; mais alors, l'arbre seculaire, inebranlable comme
le roc ou il a sa base, brave et la faux du temps et l'effort des
vents et des tempetes. Il faudra peut-et
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