nt le mousquetaire quand cette
figure altiere passa devant lui.
Le prelat tressaillit; il parut avoir entendu cette voix comme un
mort ressuscitant entend la voix du Sauveur. Il leva ses grands
yeux noirs aux longs cils et les porta sans hesiter vers l'endroit
d'ou l'exclamation etait partie. D'un seul coup d'oeil, il avait
vu Porthos et d'Artagnan pres de lui. De son cote, d'Artagnan,
grace a l'acuite de son regard, avait tout vu, tout saisi. Le
portrait en pied du prelat etait entre dans sa memoire pour n'en
plus sortir.
Une chose surtout avait frappe d'Artagnan. En l'apercevant, Aramis
avait rougi, puis il avait a l'instant meme concentre sous sa
paupiere le feu du regard du maitre et l'imperceptible
affectuosite du regard de l'ami.
Il etait evident qu'Aramis s'adressait tout bas cette question:
"Pourquoi d'Artagnan est-il la avec Porthos, et que vient-il faire
a Vannes?" Aramis comprit tout ce qui se passait dans l'esprit de
d'Artagnan en reportant son regard sur lui et en voyant qu'il
n'avait pas baisse les yeux.
Il connait la finesse de son ami et son intelligence; il craint de
laisser deviner le secret de sa rougeur et de son etonnement.
C'est bien le meme Aramis, ayant toujours un secret a dissimuler.
Aussi, pour en finir avec ce regard d'inquisiteur qu'il faut faire
baisser a tout prix, comme a tout prix un general eteint le feu
d'une batterie qui le gene, Aramis etend sa belle main blanche, a
laquelle etincelle l'amethyste de l'anneau pastoral, il fend l'air
avec le signe de la croix et foudroie ses deux amis avec sa
benediction. Peut-etre, reveur et distrait, d'Artagnan, impie
malgre lui, ne se fut point baisse sous cette benediction sainte;
mais Porthos a vu cette distraction, et, appuyant amicalement sa
main sur le dos de son compagnon, il l'ecrase vers la terre.
D'Artagnan flechit: peu s'en faut meme qu'il ne tombe a plat
ventre.
Pendant ce temps, Aramis est passe.
D'Artagnan, comme Antee, n'a fait que toucher la terre, et il se
retourne vers Porthos tout pret a se facher.
Mais il n'y a pas a se tromper a l'intention du brave hercule:
c'est un sentiment de bienseance religieuse qui le pousse.
D'ailleurs, la parole, chez Porthos, au lieu de deguiser la
pensee, la complete toujours.
-- C'est fort gentil a lui, dit-il, de nous avoir donne comme cela
une benediction, a nous tout seuls. Decidement, c'est un saint
homme et un brave homme.
Moins convaincu que Porthos, d'Artagnan ne repon
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