yau: "Nous
n'avons pas assez de nous-memes; nous avons plus de pleurs qu'il n'en
faut pour notre propre souffrance, plus de joie qu'il n'est juste d'en
avoir pour notre propre existence." Ces paroles ne contiennent-elles pas
la base de la morale? Car, bon gre, mal gre, on doit marcher et, si l'on
n'avance pas, on est entraine par les autres. "On ressent le _besoin_
d'aider les autres, de donner egalement un coup d'epaule pour faire
avancer le char que l'humanite traine si peniblement." Ce meme besoin,
que l'on retrouve chez tous les animaux sociaux, a son plus grand
developpement chez l'homme, qui ferme, du reste, la serie des animaux
sociaux.
Qu'a cette oeuvre chacun travaille, dans la mesure de ses forces, et, ne
se confine pas, par prejuge, dans un cercle etroit; que chacun ouvre les
yeux sur le vaste monde qui nous entoure, ne condamnant pas, mais
expliquant les actes d'autrui, quelque differents qu'ils soient des
notres. Alors, un jour, on pourra nous appliquer les belles paroles de
Longfellow:
Laisse une empreinte
Dans le sable du temps,
Peut-etre un jour,
Rendra-t-elle le courage a celui
Qui est ballotte par les flots de la vie
Ou jete sur la cote.
NOTES:
[95] LUTHER, _Grand Catechisme_, t. X. de ses _Oeuvres completes._
[96] Les catholiques appliquent egalement le meme principe, lorsque
c'est au profit de leur boutique.
Marotte, vicaire general de l'eveque de Verdun (1874), dit: page 181 de
son _Cours complet d'instruction chretienne a l'usage des ecoles
chretiennes_, ouvrage publie avec l'approbation des eveques.
Est-il permis de commettre une mauvaise action ou de s'en rejouir, quel
que soit le profit qu'elle rapporte?
Il n'est jamais permis de commettre une mauvaise action ou de s'en
rejouir a cause du profit qu'elle rapporte. Mois il est permis de se
rejouir a cause d'un profit, meme s'il provient d'une mauvaise action.
Par exemple, un fils peut, avec plaisir, heriter de son pere mort
assassine.
Est-on toujours coupable de vol lorsqu'on prend le bien d'autrui? Non.
Car le cas peut se presenter que celui dont on s'approprie le bien n'a
pas le droit de protester, ce qui arrive, par exemple, lorsque celui qui
prend le bien d'autrui se trouve dans une profonde misere, et qu'il se
contente de prendre seulement le necessaire pour se sauver ou qu'il
prend secretement a son prochain, a titre de restitution, ce que
celui-ci lui doit reellement et qu'il ne peut obtenir d'une aut
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