sleep
He sends us clothed about with wings,
And finds them ragged babes that weep!
NOCTURNE
La nuit ecoute et se penche sur l'onde
Pour y cueillir rien qu'un souffle d'amour;
Pas de lueur, pas de musique au monde,
Pas de sommeil pour moi ni de sejour.
O mere, o Nuit, de ta source profonde
Verse-nous, verse enfin l'oubli du jour.
Verse l'oubli de l'angoisse et du jour;
Chante; ton chant assoupit l'ame et l'onde:
Fais de ton sein pour mon ame un sejour,
Elle est bien lasse, o mere, de ce monde,
Ou le baiser ne veut pas dire amour,
Ou l'ame aimee est moins que toi profonde.
Car toute chose aimee est moins profonde,
O Nuit, que toi, fille et mere du jour;
Toi dont l'attente est le repit du monde,
Toi dont le souffle est plein de mots d'amour,
Toi dont l'haleine enfle et reprime l'onde,
Toi dont l'ombre a tout le ciel pour sejour.
La misere humble et lasse, sans sejour,
S'abrite et dort sous ton aile profonde;
Tu fais a tous l'aumone de l'amour:
Toutes les soifs viennent boire a ton onde,
Tout ce qui pleure et se derobe au jour,
Toutes les faims et tous les maux du monde.
Moi seul je veille et ne vois dans ce monde
Que ma douleur qui n'ait point de sejour
Ou s'abriter sur ta rive profonde
Et s'endormir sous tes yeux loin du jour;
Je vais toujours cherchant au bord de l'onde
Le sang du beau pied blesse de l'amour.
La mer est sombre ou tu naquis, amour,
Pleine des pleurs et des sanglots du monde;
On ne voit plus le gouffre ou nait le jour
Luire et fremir sous ta lueur profonde;
Mais dans les coeurs d'homme ou tu fais sejour
La douleur monte et baisse comme une onde.
ENVOI
Fille de l'onde et mere de l'amour,
Du haut sejour plein de ta paix profonde
Sur ce bas monde epands un peu de jour.
THEOPHILE GAUTIER
Pour mettre une couronne au front d'une chanson,
Il semblait qu'en passant son pied semat des roses,
Et que sa main cueillit comme des fleurs ecloses
Les etoiles au fond du ciel en floraison.
Sa parole de marbre et d'or avait le son
Des clairons de l'ete chassant les jours moroses;
Comme en Thrace Apollon banni des grands cieux roses,
Il regardait du coeur l'Olympe, sa maison.
Le soleil fut pour lui le soleil du vieux monde,
Et son oeil recherchait dans les flots embrases
Le sillon immortel d'ou s'elanca sur l'onde
Venus, que la mer molle enivrait de baisers:
Enfin, dieu ressaisi de sa splendeur premiere,
Il trone, et son sepulcre est bati de lumiere.
O
|