sionne
de la tragedie et de ses nobles representants, Racine, Corneille et
Voltaire, il a garde de la frequentation continuelle de ces genies un
culte exagere pour les alexandrins classiques; de sorte que dans la vie
ordinaire, dans ce prosaique terre-a-terre de tous les jours, il ne peut
se resoudre a parler comme tout le monde. L'infame prose dont se
servait, sans s'en douter, ce bon M. Jourdain, lui souleve le coeur, lui
donne des nausees.
Aussi, est-on tout etonne de voir notre homme avec un vulgaire melon sur
la tete au lieu du casque reluisant d'Achille, ce n'est pas une
redingote en Elbeuf qu'on s'attend a trouver sur lui, mais bien le
manteau d'Oreste et pour ses augustes pieds, il faudrait plutot des
cothurnes qu'une grosse paire de souliers modernes.
Sa conversation est extremement curieuse. Ayant beaucoup lu ... de
tragedies ... aussi antiques qu'inconnues ... il a une certaine
instruction, une erudition relative, mais ce vernis de science, ce
plaque de savoir en impose cependant a bien des gens.
Comme je l'ai deja dit, il ne s'exprime pas comme le commun des
mortels, ainsi voulant raconter qu'il aura vu un sergent de ville
emmener une cocotte qui se promenait sur le trottoir, il dira
volontiers: "J'ai apercu un alguazil emmenant une hetaire qui ambulait
sur l'asphalte." Pour lui un soldat est un estafier; une fille aimable,
une courtisane; et quand il paie son domestique, il doit lui dire
assurement: "Tiens, Frontin, prends ces sesterces!"
En somme, on le voit, il devrait s'appeler Joseph Prud'homme. Ajoutez a
cela une avarice sordide pour ses pensionnaires et vous aurez un apercu
de ce directeur.
Gerant actuellement un de nos grands theatres, personne n'a lu ... et
joue autant de mauvaises pieces que lui ... mais cela se comprend
jusqu'a un certain point, le desir de produire des auteurs jeunes ... et
riches, l'ayant seul guide dans cette voie lucrative.
Ses "premieres" sont extremement houleuses et il n'est pas rare
d'assister, si on a eu l'imprudence de s'y egarer, a un combat singulier
entre le paradis et l'orchestre.
Tout est bon, pour le titi belliqueux ... petits blancs, trognons de
pomme, clous ... et meme certaine matiere on ne peut plus odorante....
Un de nos gros critiques, que son metier force a braver ces projectiles
divers, se munit toujours lorsqu'il va a ce theatre d'un parasol
fortement double en cas de pluie pendant le spectacle!
Pour vous donner une idee du monsieur, je v
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