h! ce sont ces jours-la de vrais diners de _Gamache_ ou de
_Sardanapale_. Tout ce que la foret peut offrir de gibier a plumes ou
a poil est mis a contribution. Quelle folle gaite preside au repas, le
Gascon et le Normand ont eu de quinze jours a un mois pour renouveler
leur approvisionnement d'histoire incroyables et fantastiques. Adala rit
aux larmes, la grand'mere et moi rions de la voir rire et a ce concert
d'eclats de rire se joint comme basse la grosse voix de Baptiste.
Des histoires on passe au chant, du chant a la danse, c'est Baptiste qui
fait la musique. Il imite avec sa voix toute espece d'instruments. Ses
poings jouent du tambour sur n'importe quel meuble, ses pieds marquent
la mesure et les deux francais executent des cabrioles, des pas, des
sauts impossibles tels qu'ils les ont vus faire, assurent-ils dans tel
ou tel pays ou il n'ont pourtant jamais ete, la petite de se tordre de
rire et nous, ma foi, de l'imiter. Ces fetes se prolongent deux a trois
jours.
Mais quand les froids d'hiver commencent a nous menacer, nous descendons
au village pour laisser passer les mois les plus rigoureux.
La cabane reste alors sous les soins de la vieille Aglaousse qui
s'obstine a ne pas vouloir nous suivre. Nous ne la laissons jamais
seule, Baptiste et ses deux compagnons hivernent avec elle. J'ai soin
avant de les laisser de pourvoir a tous leurs besoins. Nous leur faisons
aussi de frequentes visites dans le cours de l'hiver.
Nous allons habiter des appartements confortables aupres de l'eglise du
hameau. Quelques bons voisins viennent frequemment nous visiter. Dans la
journee nous faisons des courses de traineau et le soir le cure vient
s'asseoir au coin du feu et nous rejouir par une intime et charmante
causerie.
Telle est la vie que nous menons depuis sept annees. Helas! elles ont
ete bien courtes comparees a celles du passe, mais aujourd'hui un nuage
de tristesse vient troubler mon bonheur, c'est une inquietude bien
naturelle, car je sens d'un jour a l'autre le poids des ans qui
s'appesantit sur moi.
J'eprouve aujourd'hui dans les marches les plus courtes, que mon pied
qui gravissait lestement autrefois les pentes les plus rapides, ne se
traine plus que peniblement meme sur un terrain uni.
Ma pauvre Aglaousse elle aussi se fait vieille et je songe avec
tristesse que quand tous les deux nous aurons quitte la terre, ce qui ne
saurait tarder, qui donc prendra soin de ma chere petite fille?
Je dissimule aut
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