l'agriculture, qui est son unique ressource. Les Negres seuls
peuvent se livrer aux travaux dans ces climats brulans: le Blanc
qui y perit jeune malgre toutes sortes de menegemens, ne feroit
qu s'y montrer s'il etoit oblige d'y cultiver son champ de ses
propres mains. Pour tirer parti de cette colonie, l'on doit donc
proteger l'importation des Negres qui y sont en trop petit
nombre; mais il est en meme temps de l'interet du Gouvernement,
de veiller a ce que les habitans n'y abusent pas du pouvoir que
la loi et droit de propriete leur donnent.
Apres la cruelle experience de Saint-Domingue, qui probablement
aura ouvert les yeux de tous ces philantropes qui ne comptent
pour rien la prosperite des empires, lorsqu'elle semble etre en
contradiction avec ces sentimens d'humanite, dont ils feignent
souvent d'avoir ete doues par la nature; je suis loin d'engager
aucun gouvernement a relacher les liens de l'esclavage: on doit
les laisser subsister dans leur integrite, ou perdre les
colonies. Cependant doivent-ils negliger cette branche
d'administration et s'en rapporter aveuglement aux proprietaires,
qui paroissent avoir un interet direct a menager leurs esclaves?
C'est ce que je suis loin de croire. Les passions agissent trop
fortement sur le coeur des hommes, pour ne pas en restreindre la
vivacite par des reglemens sages; leur interet meme souvent
mal-entendu les aveugle sur leurs propres avantages. L'avarice
crie a l'un que ses esclaves mal vetus et mal nourris, n'en sont
pas moins tenus a lui rendre les services qu'l exige; la colere
conduit l'autre a faire des exemples terribles, sous pretexte
d'effrayer ceux qui seroient tentes de lui manquer; un grand
nombre enfin se croit autorise a s'en servir pour assouvir ses
passions et servir ses passions et servir ses gouts, fussent-ils
meme contraires aux devoirs de la societe et opposes aux
principes religieux. Aux yeux des gouvernans les hommes ne
doivent etre que de grands enfans, dont, en sages precepteurs,
ils dirigent les caprices de maniere a les faire tourner a leur
plus grand bien.
Dans la basse Louisiane les Negres sont tres mal nourris: chacun
ne recoit pas par mois audela, d'un baril de mais en epis, ce qui
ne fait que le tiers d'un baril en grain;[228] encore beaucoup de
propr
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