nul n'en ignore.
Chacun son gout, mais moi j'ai peu de sympathies pour ces poetes a
consciences deboutonnees, a commencer par Alfred de Musset, qui, lui au
moins, semait du genie dans ses jeremiades d'amoureux deconfit.
Vous avez aime, la belle affaire! On vous a aime, la belle histoire!
Vous avez pleure... Est-ce quelque chose de si rare? et vous croyez-vous
une exception pour cela?
A mon avis, on doit aimer dans l'ombre et pleurer en silence,--surtout
les poetes qui, dit-on, ont le privilege d'aimer te partant de pleurer
plus souvent qu'a leur tour.
M. Ferland a aime, je n'en doute pas; il a du pleurer quelquefois, on
n'a pas l'ame d'un artiste sans cela. Mais sa plume est trop discrete
pour nous reveler le mystere de ses intimites. Il connait trop le
public, du reste--surtout celui de notre epoque et de notre pays--pour
s'imaginer un instant qu'on puisse ressusciter...
. . . . Page illisible .
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...n'est plus que le reve du souvenir, helas!
Lorsque Zeuxis eut a peindre sa JUNON LACINIENNE, les Agrigentins lui
permirent de choisir pour modeles les plus belles femmes de leur ville.
Elles defilerent toutes devant lui, et son choix tomba sur cinq d'entre
elles, qu'il fit poser ensemble ou separement, prenant a chacune la
principale caracteristique de sa beaute propre, et reunissant le tout
dans une seule et meme conception ideale, afin d'arriver le plus pres
possible de la perfection des formes et des couleurs.
Il en resultat un chef-d'oeuvre qui, bien que detruit depuis des
milliers d'ans, vit encore dans la tradition des siecles et des
generations.
M. Ferland a use du meme procede: et c'est ce qui fait que tous peuvent
reconnaitre dans son oeuvre quelques-uns des traits qu'ils on adores,
quelques-unes des facettes particulieres aux diamants de leur ecrin;
que chacun peut retrouver, comme egarees dans ces feuillets, quelques
reminiscences des parfums qu'ont laisses derriere eux les chers et doux
fantomes qui ont illumine sa vie.
Maintenant, si je me permettais un reproche, je dirais au jeune poete:
"Vous avez celebre la femme dans sa beaute plastique, dans sa beaute
paienne--un peu trop paienne peut-etre. J'aimerais, dans vos strophes,
entendre chanter un peu plus clair, un peu plus sonore, cet harmonieux
clavier qui est l'_ame_ de la femme."
Cela viendra sans doute.
LOUIS FRECHETTE.
A la femme
Qu'en tous lieux ou l'on s'aime,
Feuillets, un vent vous seme
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