alet de la montagne ou dans une
auberge d'un village eloigne.
On ne le voyait guere, et le soir quand on entendait de gros souliers
ferres resonner dans le corridor, on savait seulement qu'il rentrait; le
matin, en entendant le meme pas, on savait qu'il sortait.
Ceux qui occupaient les chambres situees sous les siennes entendaient
aussi parfois, dans le silence de la nuit, la marche lente et reguliere
de quelqu'un qui se promenait, et l'on savait que cette nuit-la, ne
pouvant rester au lit, il avait arpente son appartement.
Enfin ceux des pensionnaires qui, dans la soiree, allaient respirer le
frais sur l'esplanade qui domine le lac, apercevaient souvent, en se
retournant vers l'hotel, une grande ombre accoudee a une fenetre.
C'etait le colonel, qui restait la a regarder la lune brillant au-dessus
des montagnes sombres de la Savoie et frappant les eaux tranquilles du
lac de sa lumiere argentee.
C'etaient la les seuls signes de vie qu'il donnat, et souvent meme on
aurait pu penser qu'il etait parti, si l'on n'avait pas vu son valet de
chambre promener melancoliquement, dans le jardin de l'hotel et dans les
prairies environnantes, son ennui et son impatience.
--Cela durera donc toujours ainsi? se disait Horace.
Mais ce mot, il le prononcait tout bas et lorsqu'il etait seul.
Car, bien qu'il s'ennuyat terriblement au Glion et qu'il regrettat Paris
au point d'en perdre l'appetit, il respectait trop son maitre pour se
permettre une seule question sur ce sejour.
S'il avait pu seulement ecrire a Paris, au moins il aurait ainsi
explique son absence, qui devait paraitre incomprehensible. Que
devait-on penser de lui? Il avait la religion de sa parole, et c'etait
pour lui un vrai chagrin d'y manquer. A vrai dire, meme, c'etait
sa grande inquietude; car de croire qu'on pouvait l'oublier ou le
remplacer, il ne le craignait pas.
Un jour qu'il avait ete s'asseoir sur la route qui monte de Montreux au
Glion, a l'entree d'une grotte tapissee de fougeres qui se trouve a l'un
des detours de cette route, il vit venir lentement, au pas, une caleche
portant trois personnes: deux dames assises sur le siege de derriere, un
monsieur place sur le siege de devant.
Et tout en regardant cette caleche qui s'avancait cahin-caha, il se dit
que les voyageurs qu'elle apportait allaient etre bien desappointes
en arrivant, car il n'y avait pas d'appartement libre en ce moment a
l'hotel.
Ah! comme il eut volontiers cede sa chambre et
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